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pour y faire des grès, des pichets, avec Haviland, jusqu’en 1885, époque à laquelle il prit la fabrique à son propre compte. Mais déjà les colorations éclatantes de l’Extrême-Orient l’attiraient. Elles lui avaient été révélées par le peintre Bracquemond. Depuis longtemps sa pensée avait abandonné les grès auxquels il avait converti peu à peu le public. En 1888, il cédait sa fabrique à Delaherche, qui devait créer à son tour une céramique tout à fait originale : les grès flammés où il reste, encore aujourd’hui, le maître. La vitrine de Delaherche, au musée du Pavillon de Marsan, contient des œuvres dignes d’être comparées aux plus belles choses anciennes.

Dès lors, à Choisy-le-Roi, c’étaient les secrets des Chinois que Chaplet s’appliquait à découvrir, et aux deux expositions de 1889 et de 1900, le monde entier s’accorda à reconnaître qu’il y avait réussi : le rouge de Chine, sang de bœuf, fut la première étape, en 1884 ; à seconde étape : le bleu de Chine, qu’il obtint, non pas du tout avec du cobalt comme il était dit alors, dans les traités de céramique, mais avec du cuivre ; la troisième étape : le blanc de Chine, le blanc laiteux avec la pâte à grains appelée « peau d’orange. » Cette dernière étape était la plus difficile à franchir. Pour obtenir ce blanc, il fallut avoir obtenu auparavant du bleu, dont quelques points restés çà et là dans le blanc attestent l’existence antérieure sur le vase de la couleur qui a viré. Chaplet y réussit et exposa des merveilles en 1900. À ce moment, son rôle était fini. Les trois admirations de sa jeunesse, de son âge mûr et de sa vieillesse : la Renaissance italienne, les grès français ou les « pichets, » la porcelaine chinoise, le bleu, le blanc, la « peau d’orange, » étaient devenus des réalisations de l’Art français contemporain.


III

A quel point elles l’enrichissent, c’est ce que nous montre une visite au pavillon de Marsan. Notre première impression devant ces porcelaines, c’est que ce ne sont pas des porcelaines. Car notre idée de la porcelaine est celle d’une chose brillante et à demi transparente. « Des vases qui ont la transparence du verre ; l’eau se voit au travers, » disait, déjà, un voyageur arabe, au IXe siècle. Or ceci est opaque et mat. Pourtant, regardons bien et nous verrons qu’à défaut de la transparence proprement