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mieux la belle porcelaine nouvelle et les initiés qui trouvaient à meilleur compte les chefs-d’œuvre de l’ancienne faïence, les potiers modernes comme Chaplet ne recueillaient que peu d’encouragemens. Mais, à mesure que le temps s’écoulait, une double circonstance heureuse se produisit. Les amateurs de faïence devinrent plus nombreux et les faïences anciennes plus rares. Les amateurs se mirent donc à regarder autour d’eux s’ils ne voyaient pas quelque chose qui y ressemblât. Ils virent les essais de Chaplet, de Solon, de Bouvier et des autres, chez un certain Rousseau, rue Coquillière, qui était la Providence des potiers, ils s’y attachèrent : de ce jour, la Renaissance céramique était possible.

À cette époque, Chaplet travaillait chez Laurin à Bourg-la-Reine, avec Dammouse et, pendant dix ans, il poursuivait ses recherches de coloration italienne de la Renaissance et retrouvait, peu à peu, un grand nombre des recettes de l’émail stannifère. Mais à mesure qu’il réussissait dans cette première carrière ouverte à son ambition, il rêvait d’autre chose. Il lui semblait que nos anciens grès français n’étaient pas inférieurs, ni comme matière ni comme décoration, aux faïences italiennes. Il voulait les remettre en honneur. Il proposa donc à Laurin de faire du grès dans ses fours. C’était un monde nouveau à découvrir, des expériences coûteuses à tenter, toute une éducation du public à refaire. Laurin hésita, puis refusa : ils se séparèrent.

En 1872, Chaplet découvrit la barbotine qui eut, en 1878, un succès si retentissant et qui fut si fort à la mode pendant quelques années. En 4876, il s’installa, à Limoges, chez Haviland, industriel très éclairé et fort curieux de belles tentatives, et y fit de la barbotine avec Bracquemond. Mais déjà ce succès de mode ne l’intéressait plus et son vieux désir de ressusciter les grès français le reprenait avec plus de force. Il proposa la tentative à Haviland qui hésita. Avant de se séparer définitivement de lui comme il avait fait de Laurin, Chaplet prétexta un voyage de santé en Normandie et alla passer quelque temps dans une fabrique de grès pour y apprendre la technique du métier. Il en rapporta quelques beaux spécimens à Haviland et lui demanda : « Que pensez-vous de ceci ? — Je pense que c’est admirable ! » répondit Haviland. Chaplet lui assura qu’il pourrait réaliser de telles œuvres et des œuvres supérieures en fort peu de temps : l’essai fut tenté et réussit pleinement.

En 1882, il s’installa dans une fabrique de la rue Blomet