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Minton, le comprirent, l’appelèrent, en 1870, et ne le laissèrent plus revenir chez nous.

A côté de ces potiers qu’on pouvait déjà dire des « professionnels, » tout un groupe d’artistes et d’amateurs faisait des recherches en commun. C’étaient le paysagiste Bouquet, le docteur Marjolin et Mme Marjolin, Claudius Popelin le théoricien de la pléiade, qui citait Cyprian Piccolpassi, Durantoys, à tout ce monde ébahi. On se réunissait une fois par semaine chez les Marjolin ; on prenait de grandes plaques à poêle fournies par Laurin et, là-dessus, c’est-à-dire sur émail cru, on peignait des tableaux qu’on portait cuire à Bourg-la-Reine. Mme A. Moreau et Mme Escalier firent aussi de petits chefs-d’œuvre. Mais ces façons de grands seigneurs qui décoraient une matière préparée par des ouvriers, puis la renvoyaient aux ouvriers pour la vitrification des couleurs, offraient bien des dangers : le transport altérait les frêles couches posées sur l’émail en poudre. Quelques artistes eurent l’idée de venir peindre leurs vases, sur place, dans la fabrique de Laurin. Etant là, ils virent comment se transformait leur œuvre : ils s’intéressèrent aux difficultés matérielles de l’exécution céramique, à la « conduite du feu. » S’y intéressant, ils suggérèrent des idées, des expériences. Ils s’avisèrent que leur art même devait s’inspirer de ces expériences et qu’il ne fallait peut-être pas peindre sur de la terre comme sur une toile. Les fabricans, aussi, sentirent, à ce contact, s’éveiller des ambitions nouvelles. C’est au pied des fours que l’artiste et l’artisan, séparés depuis si longtemps, se retrouvèrent, de nos jours, pour la première fois. Nul ne crut plus déchoir en retroussant ses manches et en mettant, comme il est rigoureusement vrai, ici, de dire, « la main à la pâte. » Et comme en France, il n’y a guère de milieu entre la honte qu’on a d’un métier et la vanité qu’on en tire, du jour où la besogne du potier ne fut plus tenue pour servile, on voulut qu’elle fût glorieuse.


Artiste, j’ai brûlé ma face au feu des moufles !


s’écriait orgueilleusement Popelin. Tout ce remuement d’idées et de gens devait aboutir à quelque chose. Mais inauguré par des peintres, il courait grand risque de fournir seulement un nouveau subjectile à la peinture et non de créer une céramique nouvelle. Pour ressusciter les vieux arts du feu et du potier, il fallait