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CHAPLET
ET
LA RENAISSANCE DE LA CÉRAMIQUE

AU PAVILLON DE MARSAN

On peut voir, en ce moment, au Musée des Arts décoratifs du Pavillon de Marsan, une exposition rétrospective des céramiques de Chaplet, mort l’an dernier. Ce sont des pièces léguées par l’artiste à nos musées ou prêtées par des collectionneurs. Il y a des expositions plus retentissantes : il n’y en a pas de plus émouvantes, si l’on considère la grandeur de l’œuvre, l’éloignement du but, la longueur de l’effort, la pauvreté des moyens, les résultats obtenus, le prix dont l’artiste les a payés. Car ce qu’on voit dans ces vitrines tournées vers le jardin des Tuileries, c’est l’aboutissement d’un rêve que notre jeune Europe fait depuis six siècles, depuis le jour où Marco Polo, revenant de la vieille Chine, parlait à ses compatriotes de « cette cité qui a nom Tiunguy, là où l’en fait moult d’escuelles et de pourcelainnes qui sont moult belles, » le rêve de produire les poteries magiques de l’Extrême-Orient. Étape par étape, les chercheurs du XVIIIe siècle étaient parvenus à la porcelaine blanche. Restait la porcelaine flammée, la plus éblouissante. Cette dernière étape a été franchie de notre temps, sans aide, sans savoir, par un ouvrier, gagnant sa vie au jour le jour, n’ayant à lui ni couleurs, ni terre, ni fours, astreint à des besognes mercenaires,