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pas nous défendre contre leur sortilège. Ces femmes d’Orient, — elles ont beau nous paraître enfantines et grossières, ridicules sous leurs fards, leurs oripeaux et tout l’amas pesant des pendeloques qui les écrasent : leurs joues peintes d’idoles, leur silence, l’immobilité presque hiératique de leurs attitudes ont quelque chose qui surpasse toutes les grâces et tous les raffinemens que nous aimons. Nulles ne nous donnent comme elles, — même les plus brutales et les plus misérables, — le sentiment de ce qu’il y a de mystérieux et de splendide dans la volupté. Et ce sentiment s’accompagne d’un autre encore plus troublant, plus enivrant et plus inexprimable, qui, dans son amertume et sa douceur, est peut-être le tout de la jouissance : le sentiment de l’infinité et de la vanité poignante du désir.

Ainsi, les mirages du présent et du passé se mêlent aux féeries crépusculaires pour en accroître la magnificence. La danse de Salomé, les châteaux des Hérodes, la litière voyageuse de Cléopâtre, tous ces fantômes se raniment dans cette serre chaude de la Vallée du Jourdain. Aux entours de son oasis, avec les molles images qu’elle évoque, elle nous apparaît comme un voluptueux jardin d’hiver.

Mais je crains qu’elle ne masque le vrai visage de l’Asphaltite. Sous les palmes de Jéricho, parmi les odeurs trop fortes qui s’exhalent des orangers, on se sent trop loin de la Mer Morte. On n’a fait que l’entrevoir. Pour arriver jusqu’à elle, il faut prendre un chemin plus austère...


LOUIS BERTRAND.