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est réduite à une impuissance presque complète ; mais à qui la faute ? Faire la part des responsabilités, ce serait faire un pas décisif vers la solution. Mais peut-on espérer des partis qu’ils se rendent, en pleine crise, justice les uns aux autres ? En attendant, les médecins sont nombreux autour du malade et, comme de vrais médecins, ils se disputent. Chacun propose son remède. Dans un pays qui a vécu si longtemps sans Constitution écrite et où l’on s’est tant moqué du plaisir qu’éprouvent les Français à fabriquer de semblables documens, tout le monde est occupé à « constituer. » Il n’est fils de bonne mère qui n’ait sa Chambre des Lords, toute neuve, à offrir aux délibérations de la Chambre des Communes. C’est l’amusement des salons, comme l’ont été, à différentes époques, les pantins, la potichomanie, les tables tournantes et le ping-pong. Si l’on épluche les procès-verbaux de la Chambre basse pendant le mois d’avril, on y ramassera vingt projets de ce genre qui, s’ils avaient été mis aux voix, n’auraient obtenu que celle de leur auteur.

En quoi consistent les résolutions proposées par le gouvernement ? Sans parler de la proposition relative à la quinquennalité des parlemens, — proposition qui n’a qu’un rapport indirect avec le sujet de cet article, — il s’agit d’abord d’interdire, d’une manière absolue et définitive, à la Chambre des Lords soit d’amender aucun article d’une loi financière, soit de rejeter cette loi en bloc. Mais il est rare qu’une loi ne contienne pas quelque disposition financière. Qui déterminera si une loi est, proprement, une loi de finances et, par conséquent, une loi placée en dehors de l’atteinte des Lords ? Ce sera le Speaker, et voilà le vénérable personnage qui planait au-dessus des partis, enveloppé d’un prestige légendaire, encore plus archaïque que son costume, le voilà qui descend dans l’arène, tenté de se souvenir et de rappeler à tous qu’avant de monter sur sa chaise gothique, il a appartenu à un parti.

Quant aux lois ordinaires, lorsqu’elles auront été rejetées trois fois par les Lords, un vote final de la Chambre des Communes les inscrira quand même dans le statut. cette proposition qui laisse subsister le vélo des Lords, mais le rend purement suspensif, semble excessive aux adversaires de la majorité, mais très insuffisante aux membres les plus ardens et les plus avancés de cette même majorité. Est-elle très logique ? Le veto à durée indéfinie, en laissant le dernier mot à la Chambre des Lords, la