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La Chambre des Communes a abordé, quelques jours après, le problème de la Chambre des Lords, mais par un côté tout différent. Le gouvernement, rendant hommage, jusqu’à un certain point, à l’axiome constitutionnel d’après lequel l’initiative d’un changement dans l’une des deux Chambres appartient à cette Chambre et à elle seule, a envisagé exclusivement la question du veto qui affecte les relations des deux assemblées. Cette limitation du sujet en discussion n’était pas du goût d’un grand nombre de radicaux avancés qui ne demandaient rien de moins que la suppression de la Chambre des Lords. « A quoi bon, disaient-ils, une seconde Chambre ? » M. Asquith, en prenant la parole au commencement de ce débat, a avoué qu’il avait été autrefois partisan d’une Chambre unique et il a négligé d’apprendre au Parlement quelles raisons l’avaient déterminé à changer d’avis.

Le spectacle ne manque pas d’humour. C’est l’exemple de l’Angleterre qui a doté de deux Chambres tous les Etats modernes, — à l’exception du royaume de Grèce et de la république de Costa-Rica, comme on le rappelait l’autre jour, à la Chambre des Lords. On a considéré les deux Chambres comme un article de foi, un dogme parlementaire au-dessus de toute discussion possible. Et voilà l’Angleterre qui s’interroge sur la validité du dogme qu’elle a imposé au monde ! Elle demande à ses historiens ce qu’il faut penser des origines du système bicaméral, et ses historiens lui répondent qu’il est né d’un accident inconnu et impossible à préciser aussi bien qu’à dater, tin jour est venu où les barons ont cessé de délibérer dans la même salle avec les chevaliers des comtés et les bourgeois des villes. Peut-être qu’une église trop petite ou une salle de chapitre trop étroite a créé un précédent et coulé, il y a six siècles, le parlementarisme universel dans ce moule dont il garde la forme. Probablement, les actes arbitraires du Long-Parlement et de la Convention ont donné mauvais renom au système unicaméral et ce n’est ni la Grèce ni Costa-Rica qui pouvaient réussir à chasser cette fâcheuse impression. Pourtant, on est ramené à la question déjà posée : En philosophie constitutionnelle, quelle est l’utilité de la seconde Chambre ? A quoi bon the other house, comme l’appelait Cromwell, c’est-à-dire celle qui n’existe que pour taquiner l’autre, pour mettre, en langage vulgaire, des bâtons dans les roues ? La réponse à cette question devient très facile