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pour la conseiller et l’exhorter dans cette crise. Les membres du Cabinet qui siègent dans la Chambre des Lords, lord Crewe, lord Morley et les autres assistaient, sourians et sceptiques, à cette conversion in extremis. La majorité, ou du moins ses chefs officiels, sachant bien que c’est avec des résolutions qu’est pavé l’enfer parlementaire, montraient beaucoup de bonne volonté et de componction, mais évitaient de préciser jusqu’où irait cet esprit nouveau de mortification et de sacrifice. C’était la nuit du 4 août, moins l’enthousiasme et avec de prudentes restrictions ! Lord Lansdowne, comme c’était son devoir et son droit, a formulé le sentiment de la majorité, tout en professant qu’il exprimait une opinion personnelle : « Une chose me semble certaine, c’est qu’à l’avenir, il ne suffira plus d’avoir reçu, en naissant, la pairie héréditaire pour siéger et pour voter dans la Chambre des Lords. » L’hérédité a trouvé des défenseurs dans quelques vieillards obstinés. Un vieux lord excentrique, qui a déclaré sortir « du fond des bois, » a provoqué un bel éclat de rire en disant : « L’hérédité me donne d’excellens chiens de chasse : pourquoi ne donnerait-elle pas au pays de bons législateurs ? » Peut-être cette boutade n’était-elle pas indigne d’être traduite en langage scientifique et peut-être exprimait-elle, sous une forme gaie et brutale, un des côtés sérieux de la question. On a fait valoir que l’hérédité convient admirablement à une Chambre chargée de représenter tous les intérêts héréditaires : ce qui est plausible, mais non décisif. On a dit aussi que l’hérédité était la meilleure garantie d’indépendance et cela est vrai, mais on peut répondre que si un pair est indépendant de la Couronne, indépendant du ministère, indépendant des électeurs, il n’est pas indépendant de son entourage, ni de ses propres intérêts. Finalement, l’hérédité pure et simple a été condamnée par 175 voix contre 17 et c’est le seul résultat acquis jusqu’à présent. Reste à déterminer le mode de recrutement de la future Chambre des Lords, amendée, corrigée et considérablement réduite. Sera-t-elle élue par l’ensemble des pairs héréditaires formés en collège électoral ? S’ouvrira-t-elle aux élus des Conseils de comté, ou de certains groupes privilégiés ? Se remplira-t-elle, d’une façon automatique, par l’accession successive de ceux qui auront exercé les grandes charges de l’Etat ? Toutes ces questions ont été effleurées, aucune n’a été résolue. Encore une fois, il ne s’agit que d’une résolution.