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phrase qui fit beaucoup réfléchir et beaucoup gloser : « Nous ne reprendrons le pouvoir que si nous recevons des garanties qui nous assurent contre le retour d’une semblable usurpation. » Quelles étaient ces garanties ? Un grand nombre de candidats comprirent, ou firent semblant d’entendre qu’elles viendraient du souverain ; dans leurs manifestes et leurs harangues, ils usèrent et abusèrent de ces mystérieuses garanties qui ne furent peut-être pas sans influence sur le vote de certains électeurs ignorans.

On connaît l’esprit des élections de janvier 1910 ; elles ont rempli nos journaux pendant un mois. On en connaît surtout le résultat. Les radicaux sont revenus à Westminster avec une majorité réduite de près des deux tiers. Elle peut monter à 125 voix lorsque les trois groupes coalisés donnent toutes leurs forces ; elle tomberait à quarante, si les nationalistes faisaient défection et à deux, si les membres ouvriers se séparaient du groupe principal ; elle deviendrait une minorité si les radicaux avancés se brouillaient avec les modérés qui osent encore s’intituler libéraux. En somme, le parti irlandais est maître de la situation, et son chef, poussé en avant par ceux qui le suivent, est obligé de poser pour l’intransigeance alors que son esprit, très expérimenté et très lucide, aimerait peut-être à être accommodant. La première préoccupation des membres du Cabinet était pour leur budget en souffrance, pour ce budget « auquel on ne changerait pas une virgule. »

Comme le médecin de Sancho Pança dans son gouvernement de Barataria, M. Redmond a étendu sa baguette et le budget a disparu. Le budget, pour plaire aux Irlandais, doit être amendé et, d’ailleurs, M. Redmond ne permettra de rien faire avant que la Chambre des Lords soit frappée à mort, car, tant qu’elle vivra, tout le monde le sait, le home rule ne deviendra jamais une réalité.


IV

Donc la question des Lords s’est trouvée seule à l’ordre du jour. Les deux Chambres l’ont abordée presque simultanément. Ici et là, il s’agissait de voter des « résolutions. » D’un côté, la Chambre des Lords entrait en retraite, avec l’intention de « se réformer, » de dépouiller le « vieil homme » qu’elle a été depuis le temps de Simon de Montfort, et lord Rosebery était indiqué