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et empruntée par lui, si je ne me trompe, à nos institutions républicaines. Tous les membres, un seul excepté, le vieux lord Halsbury, admettaient la nécessité de restreindre le principe d’hérédité. Et par quel moyen ? L’assemblée plénière des Lords formerait une sorte de corps électoral qui désignerait, pour siéger et voter, soit à titre viager, soit pour la durée d’une session, un certain nombre d’entre eux. Mais ceux des Lords qui avaient rempli, pendant cinq ans au moins, les plus hautes fonctions de l’État (suivait l’énumération de ces fonctions) seraient, de droit, membres effectifs de la Chambre. Le chef de la majorité, lord Lansdowne, se prononça dans ce sens et, depuis, n’a pas changé d’avis, comme l’a prouvé un récent discours.

La Chambre des Communes ne tint pas le moindre compte des intentions de réforme exprimées dans le rapport de la commission Rosebery. C’est au veto qu’elle en voulait et une atténuation du principe d’hérédité n’avait rien pour la satisfaire. Lorsqu’on a résolu la mort des gens, on est peu touché de leur conversion. Pendant l’automne de 1908 et l’hiver de 1909, la grande affaire parut abandonnée ; mais, tout le monde le savait, elle n’était qu’ajournée. Le parti radical se recueillait pour frapper un grand coup.

Ceux de mes lecteurs qui ont pris connaissance de l’étude consacrée à M. Lloyd George[1] se souviendront peut-être que j’y définissais sa politique, — après M. Paul Leroy-Beaulieu, — la Révolution par voie fiscale. Vingt fois il a répété : « Les vrais maîtres sont ceux qui tiennent les cordons de la bourse. » Imbu de cette idée, il haussait les épaules lorsqu’on lui parlait de « résistance passive » à la loi scolaire et d’un beau geste à la Hampden : « Refusez vos fonds à l’application de la loi ! » disait-il aux Conseils de comté. C’est pour appliquer cette politique en grand qu’il est entré à la chancellerie de l’Echiquier et c’est de là qu’est né le fameux budget de 1909, qui, sous couleur de créer de nouvelles ressources financières, bouleversait les principes sur lesquels repose la propriété foncière et disposait non plus seulement du revenu, mais du capital des particuliers. En glissant des réformes de cette importance dans la loi de finances, M. Lloyd George pouvait s’autoriser, jusqu’à un certain point, de l’exemple donné par Gladstone en 1861. Mais est-il possible

  1. Voyez la Revue du 1er janvier 1910.