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réforme douanière, se donna ou se laissa imposer un programme très lourd et très compliqué, auquel avaient contribué les trois groupes dont était formée sa majorité : les non-conformistes, les nationalistes irlandais, les ouvriers. Loi sur l’instruction primaire, loi sur les cabarets, loi dite de Dévolution (un euphémisme pour désigner le home rule irlandais), loi sur la responsabilité des patrons, loi sur ou plutôt contre la petite propriété rurale en Angleterre et en Écosse, la série législative défila complaisamment. Aussitôt la Chambre des Lords fut réveillée. Ou bien elle modifiait si profondément le texte de ces lois que leur rédacteur primitif ne pouvait les reconnaître et que force était de les abandonner, ou bien elle les rejetait en bloc. Elle n’eut même pas à se donner cette peine pour la loi de Dévolution, jugée insuffisante par M. Redmond et dédaigneusement repoussée par lui. Sir Henry Campbell Bannerman, alors chef du Cabinet, répondit à ces actes d’hostilité sans cesse renouvelés par une déclaration menaçante, qui ne fut suivie d’aucun effet, mais qui eut pour résultat d’engager le parti tout entier et de lier les mains à M. Asquith, lorsqu’il devint, à son tour, premier ministre.

La Chambre des Lords continua son œuvre destructive, sans relever le gant et sans prendre aucun souci, au moins en apparence, de cette manifestation. Cependant, elle ne fit pas mauvais accueil à une proposition de réforme qui émanait d’un de ses membres les plus illustres. Lord Rosebery siège sur une des banquettes transversales réservées aux indépendans, où prend place lord Milner et où j’ai vu, dans ses derniers jours, sommeiller le vieux comte Russell, le vénérable auteur du bill de Réforme. C’est de cette position de haute neutralité que l’ancien chef du Cabinet libéral venait demander à la Chambre des pairs de modifier elle-même sa constitution et d’aller ainsi au-devant des critiques qu’on lui adressait. Il réclamait la nomination d’un comité pour étudier la question, c’est-à-dire le rajeunissement, la modernisation de la pairie. Cette fois, la proposition, déjà faite et repoussée en 1884 et en 1888, fut acceptée et la commission fut nommée. Elle tint de nombreuses séances au printemps de 1908 et consigna le résultat de ses délibérations dans un curieux rapport où les opinions les plus diverses se font jour, entre autres l’idée de faire élire un certain nombre de membres par les Conseils de comté : idée déjà mise en avant par lord Dunraven