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nouveaux évêchés ne sont appelés à siéger dans la Chambre des Lords que suivant leur tour d’ancienneté. Seuls, les deux archevêques de Canterbury et d’York, les trois évêques de Londres, Durham et Winchester, jouissent de ce privilège à titre permanent. Ils sont « lords du parlement, » mais non pairs ; et il n’est pas inutile de remarquer que, n’ayant plus de biens territoriaux à gérer depuis bien longtemps, au nom de leur Église, ils ont perdu le caractère primitif qui motivait leur présence parmi les Lords au XIIIe siècle. La plupart d’entre eux s’abstiennent d’opiner dans les discussions purement politiques. On les considère et ils se considèrent comme « les représentans de la religion et de la moralité » et c’est seulement dans les discussions où sont, manifestement, engagés les intérêts de l’une ou de l’autre qu’on les voit intervenir, La Chambre des Lords demeure donc composée de pairs héréditaires dont le nombre varie constamment par suite des promotions et des extinctions et, à l’heure actuelle, dépasse le chiffre de cinq cents. Il faut ajouter à ce nombre 16 pairs écossais, 28 pairs irlandais, 26 prélats et 5 ou 6 Lords of appeal in ordinary, en activité ou en retraite.

Que si l’on considère la Chambre des Lords au point de vue des opinions, on verra que les libéraux, en réunissant toutes leurs forces, y sont dans la proportion de 1 contre 8. La disproportion des deux partis s’est accusée suivant une progression constante durant le XIXe siècle. Sur 12 parlemens dont Gladstone a fait partie, depuis le bill de Réforme jusqu’à sa retraite de la vie politique, dix étaient libéraux ; un seul franchement tory. Plus d’un demi-siècle pendant lequel les ministères successifs n’ont cessé de créer des pairies n’a pas suffi à enrayer ce mouvement qui s’est, tout naturellement, accéléré pendant les vingt années (ou peu s’en faut) où l’Angleterre a été aux mains d’un gouvernement tory, de 1886 à 1906. Un libéral introduit dans la Chambre des Lords y devient conservateur (ou son fils après lui) aussi sûrement qu’une branche d’arbre, quand elle tombe dans certaines sources, s’y change en pierre. Le fait ne s’explique pas seulement par l’influence du milieu, la vanité personnelle, le snobisme aristocratique, mais par des considérations d’ordre plus général, par des lois sociologiques qui apparaîtront plus visiblement tout à l’heure. En ce moment, je me contente de constater le phénomène pour faire comprendre l’antagonisme qui n’a cessé d’exister, pendant le XIXe siècle, entre les deux