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d’une violente escarmouche entre Gladstone, alors chancelier de l’Echiquier, et la Chambre haute. Le point capital est celui-ci : jamais un ministère ne s’est retiré devant un vote adverse de la pairie ; les Lords, bien qu’on leur ait toujours fait une part plus que raisonnable dans la distribution des portefeuilles, n’ont pas le pouvoir de créer ni de renverser un Cabinet. La Chambre haute garde ses attributions judiciaires, que Gladstone, son plus grand ennemi au XIXe siècle, a essayé de lui arracher vers la fin de son grand ministère, lorsqu’il entreprît la réforme des cours de justice. L’intention du célèbre homme d’Etat était de créer une cour spéciale qui aurait hérité des pouvoirs de la Chambre des Lords comme cour d’appel et de cassation. Mais, par suite des lenteurs propres à ce genre d’opérations, cette dernière réforme restait à accomplir lorsque le ministère tomba au commencement de 1874. Les tories, en arrivant au pouvoir, s’empressèrent de réparer, de leur mieux, la vieille autorité judiciaire de la Chambre haute ; cependant Disraeli était trop avisé pour ne pas comprendre que, si l’hérédité législative est une anomalie, l’hérédité du juge en est une plus choquante encore, car la naissance, évidemment, ne confère aucune des connaissances nécessaires pour décider une question juridique, surtout dans un pays où les textes sont nombreux, les précédons plus nombreux encore. Il était donc nécessaire, pour mettre la Chambre des Lords en état d’accomplir décemment ses devoirs juridiques, de la fortifier par l’adjonction de quelques hommes de loi. Sous cette idée, fort naturelle et imposée, en quelque façon, par les circonstances, s’en dissimulait une autre, qui hantait certains esprits, un peu inquiets de l’avenir réservé dans la société moderne à la législature héréditaire. Dès 1856, le gouvernement avait essayé d’introduire parmi les pairs un lord viager, et l’on avait choisi, pour cette expérience, un vieux juge qui n’avait point d’héritiers. La Chambre des Lords refusa d’admettre le nouveau lord Wensleydale. Finalement, le gouvernement céda et accorda à lord Wensleydale l’investiture dans les conditions ordinaires. Une tentative de lord Russel, en 1869, pour réformer la pairie et y introduire l’élément viager, fut rejetée à une majorité considérable. Mais, en 1876, la Chambre des Lords avait été trop près de perdre ses attributions judiciaires pour ne pas se montrer plus traitable. Elle laissa donc pénétrer, sans opposition, dans son sein, plusieurs Lords of appeal in ordinany,