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de voter le budget des recettes. En 1667, les Lords se plaignent au Roi d’être réduits à l’impuissance en ce qui touche certaines questions d’un haut intérêt national (il s’agissait, dans l’espèce, de l’accroissement des forces navales), parce que la Chambre basse rejette tous leurs amendemens, auxquels elle oppose une fin de non-recevoir, tirée de sa prétendue omnipotence financière. En cette circonstance, la Chambre des Lords maintient, comme indiscutable, son droit immémorial de rejeter la loi de finances en bloc, mais elle hésite devant une mesure qui mettrait le désarroi, dit-elle, dans tous les services publics. La querelle continue et s’envenime. En 1678, la Chambre des Communes, dans une nouvelle résolution, précise son droit de régler, sans contrôle, tous les détails de la dépense publique et il semble que le dernier mot lui soit resté, car nous ne voyons pas qu’en cette matière la jurisprudence parlementaire ait changé depuis le règne de Charles II.

Si l’ambition politique des Lords subit quelques échecs, son infatuation aristocratique va toujours grandissant et elle aspire à devenir une caste fermée comme l’oligarchie vénitienne. L’union avec l’Ecosse sous la reine Anne et l’union avec l’Irlande, en 1800, amènent dans son sein quelques représentans élus de la pairie écossaise et de la pairie irlandaise (seize pour Tune et vingt-huit pour l’autre, sans compter quatre représentans de l’épiscopat d’Irlande). Mais elle obtient diverses mesures qui assurent l’extinction graduelle de ces deux pairies. En 1719, elle propose une loi qui limiterait le pouvoir créateur de la Couronne. Robert Walpole combat énergiquement cette loi et la fait rejeter, moins, peut-être, dans l’intérêt des Communes que dans l’intérêt de la royauté qui voit un danger dans ce club aristocratique où se concentre l’influence des grandes familles. C’est là, assurément, un grave échec, mais la Chambre des Lords a bien des façons de s’en dédommager. Ne tient-elle pas dans ses mains la majorité des sièges de la Chambre des Communes ? Ne la remplit-elle pas de ses cadets et de ses créatures ?

Dans ces conditions, le système bicaméral, à certaines heures (notamment vers le milieu du XVIIIe siècle), n’est qu’un trompe-l’œil et une illusion.