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Ce n’est pas aux heures d’anarchie qui précèdent ou qui suivent la concession de la magna charta, c’est sous un roi intelligent, sous Edouard Ier, que la Chambre des Lords est vraiment reconnue et organisée. Jusqu’à ce moment, ses attributions, comme sa composition, sont vagues et incertaines. L’idée d’une constitution bicamérale n’existe pas, nous la verrons naître plus tard. Pourquoi pas trois Chambres ? Pourquoi pas quatre ? Edouard Ier, imbu de l’idée que tout se fait mieux en France parce que la France a hérité directement des traditions administratives et juridiques du peuple romain, ne répugnerait pas à créer une assemblée particulière pour le clergé, une autre pour les marchands, et ainsi de suite, autant qu’il y a de branches d’activité dans la nation. Les évêques et les abbés refusent l’honneur qu’on veut leur faire, persuadés que la première conséquence en serait de faire peser de nouveaux impôts sur l’Église. On obtient, à grand’peine, leur présence dans la Chambre haute dont ils sont membres de droit, en vertu de leurs fonctions épiscopales, nous dit Freeman ; comme détenteurs des terres baroniales attachées à leur siège, nous assure M. Pike. Les earls siègent, d’abord, à raison de leurs fonctions ; le Roi convoque les barons quand il lui plaît. Pendant le cours du XIIIe siècle, une distinction s’établit entre les majores et les minores barones. L’usage prévaut de convoquer les premiers d’une façon permanente et c’est à ce moment, c’est-à-dire au seuil du XIVe siècle (toutes les autorités semblent d’accord sur ce point), que l’hérédité devient un principe constitutif de la Chambre haute. Encore ne s’agit-il pas de l’hérédité personnelle, par ordre de primogéniture ou dans la ligne latérale, en suivant les prescriptions du droit latin, mais de la transmission d’une propriété territoriale. C’est à la baronnie, non pas au baron, que le titre est attaché, et rien n’est plus significatif, à cet égard, que le nom de Peers of the Land, pairs de la Terre, attribué à ces pairs primitifs. En traduisant le latin pares, le langage populaire fait un précieux contresens, qui nous livre un secret de l’époque. C’est le domaine, le fief qui siège au Parlement et on l’y appelle pour voter ses propres charges. Quoi d’étonnant, dans ces conditions, si les titulaires de ces pairies montrent peu d’empressement à prendre possession de leur dignité, si quelques-uns, même, emploient toute leur industrie à s’y dérober ? Il est amusant de voir, au XIVe siècle, un certain Thomas Furnival se