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LA CHAMBRE DES LORDS
DANS LE PASSÉ ET DANS L’AVENIR


I

La lutte engagée entre les deux Chambres anglaises atteint, au moment où j’écris, son degré le plus aigu. L’issue en est encore douteuse pour l’observateur le plus pénétrant et se fera encore attendre longtemps. Peut-être sera-t-elle terminée dans deux mois ; peut-être les enfans de nos enfans n’en verront-ils pas la fin. Le problème, — à la différence d’un problème de mathématiques pures, — a plus de vingt solutions, dont plusieurs sont fort raisonnables, mais qui soulèvent toutes de graves objections.

La question serait déjà épineuse si on la discutait, de part et d’autre, avec un esprit libre et ouvert, avec une entière bonne foi. Or, l’esprit de parti, la jalousie des classes, la vanité, la passion, l’intérêt individuel, tous les élémens de trouble et d’erreur qui peuvent agiter les sociétés modernes s’y confondent, et, plus que tout le reste, l’inévitable, l’implacable, l’insoluble question sociale, notre terreur à tous, y verse ses fureurs portées à leur comble. Et les paroles montent, chaque jour, à un diapason plus élevé ; les menaces succèdent aux insultes ; on dit : « Mais c’est une Révolution ! » et tout est tranquille, non de cette tranquillité sinistre qui caractérise parfois les veilles de cataclysme, mais de l’honnête tranquillité des jours d’activité normale. Bien plus : il y a de la gaîté dans l’air et, de-ci et de-là, des éclats de rire qui narguent les pronostics de tempête et traitent la Révolution anglaise de demain, ou d’après-demain, comme une