spéciale. Etonné, Guillaume voulut être mis immédiatement au courant de cette affaire et donna ordre à Monts de faire télégraphier au chancelier par le conseiller Abeken. Monts ne put trouver aussitôt, dans la foule des invités, ce petit homme étrange et prétentieux à tournure de gnome avec une chevelure énorme et qui, pendant toute la guerre, avait joué un rôle important dans les affaires diplomatiques traitées par le chancelier à Versailles. Il se décida alors à télégraphier lui-même à M. de Bismarck : « Sa Majesté désirerait savoir, demain avant huit heures, le résultat de la mission attribuée au général de Castelnau à Berlin et de son entrevue avec Votre Excellence. » Le chancelier répondit aussitôt qu’il s’agissait du départ de Napoléon III et que ce départ ne pouvait plus être différé. Abeken, qu’on avait enfin découvert, écrivit sous la dictée de Guillaume une lettre dans laquelle l’Empereur allemand disait à Napoléon qu’il l’autorisait à partir quand bon lui semblerait. Monts retourna immédiatement à Cassel pour annoncer cette bonne nouvelle au souverain captif.
Napoléon reçut et lut la lettre sans la moindre émotion. Il demanda à réfléchir sur le jour et l’heure de son départ, puis sa pensée se reporta tout à coup, on ne sait pourquoi, sur la visite de Guillaume et du kronprinz à Paris en 1867. « Tout cela est déjà bien loin ! » dit-il avec un soupir. Il par la encore de la remarquable organisation de l’armée allemande et promit à Monts de lui donner un exemplaire de sa brochure sur ce sujet qui l’avait si fort intéressé, et dont il espérait tirer profit pour la France et son avenir. Il se décida enfin à partir le dimanche 19 mars à trois heures de l’après-midi. Monts, qui ne voulait pas l’exposer seul à des incidens fâcheux, demanda l’autorisation de l’accompagner. Le chancelier la lui accorda.
Le 19, à neuf heures du matin, une messe est dite au château. Après la messe, un lunch est servi aux hôtes de Wilhelmshöhe Napoléon remet à Monts sa brochure militaire en le priant d’en excuser les fautes. Les domestiques du château apportent des fleurs. La Garde rend les honneurs prescrits. Napoléon et Monts montent dans la première voiture avec Castelnau. Le public, qui assiste à ce départ, reste calme et silencieux. À la gare, même attitude de la foule. L’Empereur et sa suite pénètrent dans un wagon-salon, et le train part à toute vitesse. À Giesen, on apprend tout à coup l’insurrection du 18 mars et ce nouveau malheur,