Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 56.djvu/916

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

exagérés et où l’on substituerait à un état précaire et maladif une situation stable et régulière. Mais Napoléon est forcé d’ajouter : « Les puissances, l’Angleterre surtout, accueillirent avec dédain ce moyen de pacification générale. Soit qu’elles se trouvassent blessées de voir que l’initiative en était prise par le chef du gouvernement français, soit qu’elles ne crussent pas à la possibilité de donner satisfaction aux divers intérêts qui étaient en présence, elles rejetèrent ce moyen de pacification générale. » Des complications nouvelles surgirent bientôt : l’affaire des duchés de l’Elbe fut la première. Alors l’Angleterre proposa aux Tuileries de s’opposer au mouvement qui allait amener la Prusse et l’Autriche à faire de concert une guerre de nationalité contre le Danemark. Le Cabinet impérial répondit qu’une protestation énergique provoquerait une guerre dont la France aurait seule à soutenir le poids, puisque l’Angleterre n’aurait à agir que dans la Baltique, tandis que la France devrait combattre sur le Rhin les forces réunies de l’Autriche et de la Prusse. D’autre part, l’Empereur pouvait-il, après avoir proclamé le principe des nationalités, tenir sur les bords de l’Elbe une autre conduite que celle qu’il avait tenue sur les bords de l’Adige ?

C’est ainsi que, par des scrupules maladroits, l’Empire ne vit pas que, sous prétexte de soustraire des Allemands à la domination danoise, il allait laisser jeter les Danois sous la domination allemande. Sa politique était assez imprévoyante pour ne pas deviner que l’entente de la Prusse et de l’Autriche ne durerait point et amènerait entre elles des hostilités fatales.

Napoléon dit avoir été ému de l’antagonisme subit de ces deux puissances et avoir proposé une conférence pour prévenir les hostilités. Il voulait circonscrire notre action dans les limites de la querelle engagée, mais l’Autriche ayant refusé de faire partie de la conférence, celle-ci n’eut pas lieu. Ce fut alors que, pour se dégager de toute responsabilité, il adressa à Drouyn de Lhuys la fameuse lettre du 11 juin 1866, où il regrettait qu’une conférence ayant été proposée pour prévenir l’explosion de la guerre nouvelle, l’Autriche eût refusé d’en faire partie. L’Empereur aurait bien voulu repousser pour la France toute idée d’agrandissement territorial, tant que l’équilibre européen ne serait pas rompu. Il n’aurait lui-même pu songer à l’extension des frontières de la France que si la carte de l’Europe eût été modifiée