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l’heure de la décision définitive, ce fut elle qui la détermina. »

Monts croit que cette visite inopinée à Wilhelmshöhe, faite en dehors du chancelier qui ne l’apprit que tardivement, avait un véritable côté politique. Les bonapartistes avaient en effet espéré que, Metz ayant capitulé, le roi Guillaume consentirait à rendre à Napoléon ses soldats pour rétablir l’ordre en France et le trône impérial. Il paraît vraisemblable que l’Impératrice était venue consulter Napoléon pour savoir si on ne pourrait pas utiliser l’armée captive en Allemagne et les offres de certains généraux. Ce qui le faisait croire à Monts, c’est que l’Impératrice lui avait dit : « Si le roi de Prusse nous avait rendu l’armée française, nous aurions pu consentir à un traité convenable et pacifier la France. » Et le général prussien ajoute : « Cela n’arriva pas, heureusement. Il importait en effet de traiter la France avec plus de rigueur, et c’est ce qu’on fit. » D’ailleurs, les Prussiens ne comptaient nullement réduire leurs prétentions même vis-à-vis de l’Empire. Ce qu’ils demandaient à la Défense nationale, ils le demandaient également à l’Empereur et à l’Impératrice. Leurs volontés étaient arrêtées depuis le milieu de septembre 1870, ainsi que l’a prouvé la carte dressée par l’état-major allemand avant la chute de Strasbourg. Or, Napoléon III avait plus d’une fois répété que son gouvernement ne vivrait pas une heure s’il consentait à sacrifier l’Alsace et la Lorraine. Il est possible en effet que l’Impératrice ait eu pendant deux jours des illusions à cet égard et soit sortie de la réserve sage et prudente où elle s’était maintenue depuis le 4 Septembre. Mais bientôt elle comprit combien elle s’était trompée, et son entretien avec l’Empereur, qui examina de près avec elle la situation et la reconnut extrêmement difficile, sinon insoluble, la ramena à une politique de résignation et d’effacement, la seule qu’alors on pouvait suivre.

« On a attaqué de bien des façons, remarque le général de Monts, le caractère de l’Impératrice. Sans doute son esprit léger et son désir de plaire à tous, la poussèrent à des prodigalités exagérées et eurent une influence pernicieuse sur la Cour. Mais enfin, on doit convenir que, comme tous les personnages officiels, elle était la proie d’une critique qui s’appuyait sur des bases peu solides, parce qu’elle ignorait trop souvent les circonstances et les faits. » Monts affirmait qu’un riche Espagnol, qui l’avait beaucoup connue, racontait que les familles honorables et distinguées