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ils lui demandaient s’il était résolu à maintenir dans leurs droits et dans leurs postes les anti-infaillibilistes, à donner son aide aux parens qui voudraient soustraire les enfans aux « leçons de la curie romaine, attentatoires pour la conscience, » à protéger les paroisses vieilles-catholiques, et à préparer l’abolition législative du Concordat. Le texte même de cette motion indignait 82 députés catholiques, qui protestaient. La bagarre parlementaire qu’on prévoyait attirait le Roi lui-même à Munich ; le 14 octobre, Lutz parlait, et, dans son violent discours, la minorité nationale-libérale saluait toute une série de promesses. Pie IX en concluait, avec tristesse, dans un discours consistorial, que la Bavière accordait publiquement aux sectaires la protection de son autorité et l’encouragement de ses faveurs. Quant aux députés catholiques qui se sentaient en majorité, ils ne provoquaient aucune crise, attendant les projets de loi effectifs qui sanctionneraient les déclarations de Lutz. Mais dès le 13 octobre, la veille même de son discours-programme, Lutz s’était tourné vers Bismarck et lui avait dit en substance : « Vous m’avez poussé vers une politique anticléricale ; or, pour faire cette politique, ce n’est pas la Chambre bavaroise qui me donnera des armes ; à vous de me les fournir, par une loi d’Empire. » Pour ennuyer les prêtres en Bavière, malgré la Chambre bavaroise, Lutz avait besoin qu’à Berlin une loi d’ensemble fût préparée, qui permettrait de les ennuyer partout.

Bismarck ordonna, tout d’abord, de faire une réponse réservée, et de dire, si la Bavière insistait, que le Conseil fédéral serait l’endroit le plus propice pour ce genre de causerie. Il semble qu’à ce moment-là, Bismarck fut un peu surpris : les événemens le devançaient ; la politique qu’il avait déchaînée marchait plus vite que lui-même ; sur la pente où les nationaux-libéraux et lui s’étaient engagés, leur impatience le poussait. Le 24 octobre, ce fut Hegnenberg en personne, président du ministère bavarois, qui revint à la charge : il expédia à Hohenlohe un projet de loi pénale contre les prédicateurs, en le priant de sonder le Reichstag, le Conseil fédéral, et de le faire défendre par un bon avocat devant cette dernière assemblée.

Que le Reichstag fût tout acquis, Hohenlohe d’avance en était sûr. Quant au Conseil fédéral, cela dépendait de Bismarck ; et, sans retard, il courut chez lui. Bismarck fut accueillant, promit son appui : sa colère contre les ultramontains grandissait ; et