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VII

Où visaient-ils donc, ces vieux-catholiques, pour qui la théologie de Louis II et la politique de Bismarck exposaient la Bavière à des troubles, voire à des ruines ? et quelle était l’exacte revanche que poursuivait sur l’Eglise leur science morose et vaincue ? Au fond, ils étaient les premiers à ne pas le savoir très bien. La hiérarchie romaine, par des excommunications, les renvoyait de l’Eglise. Laïques sortis des nefs, prêtres sortis des stalles, s’attendaient les uns les autres au delà du seuil ; ces laïques invoquaient l’assistance de ces prêtres pour les grandes circonstances familiales, naissances, mariages, morts. Ainsi se formaient des rassemblemens errans qui se tournaient vers le pouvoir civil et réclamaient des abris pour leur culte ; le pouvoir civil les exauçait, en dépouillant de quelque église les catholiques romains.

Mais l’heure où les vieux-catholiques commençaient ainsi d’être groupés, logés, pourvois, marquait l’éclosion de leur désaccord. La vraie fronde, pour les uns, consistait à se dire définitivement sortis de l’Eglise romaine ; elle consistait, pour d’autres, à vouloir malgré tout y rentrer, y rester, y protester. Les premiers, — c’étaient surtout des laïques, — songeaient à dresser tout de suite église contre église, et à se détacher eux-mêmes nettement, expressément, de la communion qui les avait exclus : ils voulaient remonter à un certain moment du passé, reconstituer d’après leurs livres l’édifice ecclésiastique, tel qu’à ce moment précis il avait dû exister, et construire une bâtisse exactement pareille, en face de l’« ultramontanisme » triomphant. Et se tournant vers Dœllinger, que tout Munich regardait avec émoi, ils le conjuraient, tout excommunié qu’il fût, de redire au moins la messe une fois, publiquement, solennellement, afin d’afficher, ainsi, d’un seul et même geste, sa volonté de rester un prêtre et sa séparation définitive d’avec le sacerdoce romain.

Mais il manquait à Ignace Dœllinger cette énergie de caractère qui, seule, impose les suprêmes soumissions ou les suprêmes séparations. Ses violences de plume, qui avaient desservi beaucoup plus qu’aidé la minorité conciliaire, avaient pu faire illusion à ses amis : ce n’étaient que des polémiques de cabinet,