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le savant orientaliste, qui sept ans plus tôt, avec Dœllinger, avait organisé à Munich le fameux congrès des savans catholiques ; il persistait à critiquer la marche du Concile, à en déplorer l’issue, et il se déclarait très supérieur aux menaces de déposition dont il pouvait être l’objet ; mais il observait que le « libéralisme anticatholique » accueillait désormais les anti-infaillibilistes comme des complices. « Nous devons avoir égard au peuple catholique, continuait-il, à ce peuple qui prie, qui visite les églises, qui observe les commandemens ; toute démarche contre le Concile serait pour ce peuple un grand scandale. Prédicateur, confesseur, supérieur de monastère, pourrais-je achever ma vie en troublant les âmes pieuses ? » Il disait aussi qu’en un siècle d’anarchie tel que celui qu’on traversait, il était possible, après tout, que la Providence eût permis, pour donner une leçon d’ordre, l’exaltation de la primatie papale. D’ailleurs, concluait-il, on pourrait peut-être n’adhérer aux décrets tant discutés que sous réserve de l’approbation des conciles généraux : une porte, ainsi, demeurerait ouverte, pour les aspirations mortifiées et froissées.

La réunion épiscopale de Fulda, qui se tint le 30 août sous la présidence de Melchers, comprenait neuf prélats ; ils concertèrent une lettre collective aux fidèles et décidèrent d’exiger de tous, spécialement des prêtres et des professeurs encore hésitans, la soumission aux décrets conciliaires. Huit évêques absens donnèrent leur assentiment. Au début de septembre, il restait en Allemagne cinq prélats dont l’attitude demeurait incertaine : c’étaient Deinlein, de Bamberg ; Beckmann, d’Osnabrück ; Fœrster, de Breslau ; Forwerk, vicaire apostolique à Dresde, et Hefele, de Rottenburg. Le Vatican, patient, les laissait en repos ; les laïques rhénans et le professeur Reinkens, plus impatiens, voulurent qu’ils s’agitassent ; à Bonn, le 23 septembre, un curieux comité s’improvisa, pour expédier un message à Deinlein, à Hefele, ainsi qu’aux cardinaux autrichiens Rauscher et Schwarzenberg, à Greith, l’évêque de la Suisse allemande, et pour leur témoigner qu’on escomptait leur tenace résistance. On les acculait, sommairement, à être pour ou contre Rome. La démarche du comité de Bonn accéléra leur soumission ; en vain lord Acton, dans une habile brochure qui paraissait en septembre, s’essayait-il à les embarrasser en mettant sous les yeux du public d’assez nombreuses citations des mémoires qu’ils