Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 56.djvu/827

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
821
LA CROISSANCE DU CUIRASSÉ.

rassés véritables, anglais tous deux, et doués de la même vitesse exactement, soit 18 nœuds 75. L’un est le Renown, l’autre le Lord Nelson. Le premier, de 12 350 tonneaux seulement, ne porte comme artillerie que quatre 254 millimètres et dix 152 millimètres, tandis que le second, avec 16 500 tonneaux, a pu recevoir quatre 305 millimètres et dix 234 millimètres. Sur celui-ci le poids total des canons seuls forme environ 3 p. 100 du déplacement, sur l’autre pas plus de 1,5 pour 100. L’utilisation, ainsi mesurée, y serait donc moitié moindre. Or le rapport des tonnages des deux bateaux est 75 pour 100. Si l’on considère non plus les bouches à feu mêmes, mais la bordée de projectiles qu’elles peuvent envoyer ensemble et la rapidité de leur tir respectif, on trouve pour le poids global de fer lancé dans une minute un peu plus de six tonnes et demie pour le Renown, environ douze tonnes un tiers pour le Nelson : et le rapport n’atteint plus que 53 pour 100. Mais les énergies conservées à 10 000 mètres par ces projectiles, et portées au but, diffèrent plus encore et toujours dans le même sens : leur proportion se rapproche de 35 pour 100. En dépit des considérations diverses qui viendraient compliquer beaucoup l’analyse, si on la voulait rigoureuse, on voit par ces chiffres de quelle nature est l’influence des dimensions sur la puissance offensive.

Soit donc un tonnage total à construire, mieux vaut au seul point de vue militaire le système des mastodontes que celui des petits paquets. La somme des poids utiles pour l’attaque et la défense en est augmentée ; le sacrifice nécessaire à la simple flottabilité se trouve moindre. La solution paraîtra plus avantageuse encore si l’on fait intervenir la considération des prix. Non seulement les petits bateaux, par tonne de déplacement, portent moins de poids disponibles, mais encore ils coûtent plus cher. En France, où la tonne de cuirassé revient à 3 032 francs, la tonne de croiseur-protégé atteint 3 244 francs, la tonne de contre-torpilleur 4 730, et celle de sous-marin 5 548. En Angleterre, les chiffres sont les suivans : cuirassés 2 380, croiseurs 2 547 ; contre-torpilleurs 3 713, sous-marins 4 355. Et par rapport à cette moyenne de 3 032 francs, établie sur l’ensemble de nos constructions cuirassées, les derniers, les plus grands de nos navires présentent une réduction notable. Le type Patrie avec 14 825 tonneaux, au prix total d’environ 42 millions, ne dépasse pas sensiblement 2 800 francs la tonne ; le