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LA CROISSANCE DU CUIRASSÉ


Les nouveaux cuirassés qui vont être mis en chantier à Brest et à Lorient dépasseront de plus de 5 000 tonnes ceux du type précédent. Le projet établi par le ministère de la Marine comporte en effet un déplacement de 23 500 tonneaux. Tel est le gigantesque outil de guerre indispensable au maintien de notre puissance navale, telle est l’unité des plus prochaines escadres. À l’heure où nous nous sentons obligés d’en arriver à de pareilles proportions, entrent tout juste en service les six Danton, de 18 350 tonneaux ; un si faible intervalle de temps suffit à nous imposer un accroissement de tonnage de 27 pour 100 ! On peut se demander où nous allons, et quelles sont les raisons d’une si rapide progression.

Notons d’abord qu’elle ne représente pas un fait nouveau. En 1883, nous construisions encore des unités de ligne de 6 000 tonneaux, comme le Vauban et le Duguesclin, dits cuirassés de croisière, qui figurèrent en escadre ; l’un de nos plus remarquables bâtimens, le Redoutable, lancé en 1876, refondu en 1895, ne déplaçait que 9 400 tonnes. Peu après, le Courbet et la Dévastation en atteignent 10 800. On monte à 12 000 en 1884 avec le Formidable, à près de 13 000 avec le Suffren en 1899, à 15 000 avec la Patrie en 1905, pour aboutir aujourd’hui aux 18 350 du Danton et demain, nous l’avons dit, à 23 500.

À l’étranger, on nous avait donné l’exemple. Dès 1891, l’Angleterre construisait ses Royal-Sovereign de 14 200 tonnes,