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porté aux grandes initiatives et aux grandes innovations. Le relèvement de la chaire patriarcale serait, il est vrai, moins une innovation qu’une restauration ; mais s’il répugne aux nouveautés, le gouvernement, en rétablissant une institution du passé, craindrait peut-être de se faire accuser de tendances réactionnaires et de visées archaïques. Pour qu’une telle mesure fût bien accueillie de l’Église et de l’opinion, pour qu’elle parût au clergé ou aux laïques un principe de renouvellement de l’Eglise nationale, il fallait qu’elle fût liée à la convocation d’un Concile. C’est du Concile, présidé par le nouveau patriarche, que les croyans et les patriotes attendaient le rajeunissement de l’antique Eglise. Or, après l’avoir laissé annoncer, après avoir nommé une Commission pour en préparer la réunion, le gouvernement, pris de doute, semble, ici encore, hésiter et reculer.

Un Concile, c’est une assemblée délibérante et légiférante, une assemblée souveraine, en une Eglise surtout où les conciles généraux demeurent l’autorité suprême. Un Concile national, c’est une sorte de parlement ecclésiastique, où toutes les affaires religieuses et politico-religieuses seraient naturellement agitées, discutées, publiquement, à la face du pays et du monde. A l’heure où, se rendant aux vœux de la nation, l’Empereur autocrate se décidait à concéder à ses peuples une façon de Parlement, il paraissait naturel qu’il fit quelque chose d’analogue pour l’Eglise et pour le clergé. Le Tsar orthodoxe ne pouvait-il les appeler, eux aussi, à faire connaître leurs vœux et leurs doléances ? les inviter également à étudier, à voter des lois nouvelles pour la réforme de l’administration ecclésiastique ? Rien donc d’étonnant que l’Empereur et ses conseillers s’y fussent décidés. On m’a même assuré, dans les cercles les mieux informés, qu’au début, sous le ministère Witte, l’empereur Nicolas II en avait si bien accepté le projet que, à certain moment, il eût préféré que la réunion du Concile précédât celle de la première Douma. Il espérait sans doute que, en attirant à elles l’attention et le respect du peuple orthodoxe, les solennelles assises de l’Eglise exerceraient, sur l’assemblée politique et sur le pays, une action calmante, en tempéreraient les impatiences, en modéreraient les prétentions.

Aujourd’hui, quand la Russie en est déjà à sa troisième Douma, tout autre est la situation du pays, tout autres sont les dispositions du pouvoir. Le gouvernement est porté à trouver