les renseignemens qui lui étaient refusés d’autre part, elle a eu recours aux procédés les moins avouables, provoqué des dénonciations, accordé des primes aux délateurs. Ces mesures n’ont point abouti. Ni les menaces, ni les amendes, ni même la prison, n’ont pu triompher de l’hostilité des populations. Les fraudes et dissimulations ont été innombrables. Des villages, des régions entières se sont entendues pour frustrer le Trésor et ne donner aux terres qu’une valeur systématiquement avilie. En définitive, le fisc n’a pu saisir que ce qui brillait au soleil, il a pu recenser les maisons, cadastrer les champs, supputer la valeur des récoltes, dénombrer les animaux employés à la culture ou engraissés en vue de la boucherie ; il s’est trouvé impuissant à connaître les revenus mobiliers ; c’est sur des apparences plus ou moins fallacieuses, des témoignages souvent suspects, qu’il a dû se résoudre à taxer les salaires, à frapper les bénéfices du commerce et de l’industrie.
L’impopularité d’un pareil régime ne saurait surprendre. En 1789, la nation tout entière réclamait la suppression des impôts personnels et l’abolition des privilèges. L’Assemblée constituante n’hésita pas à donner satisfaction à l’opinion publique. Elle supprima toutes les immunités fiscales, celles de la noblesse et du clergé, — auxquelles les intéressés eux-mêmes avaient renoncé dans la nuit du 4 août, — celles des provinces, des villes, des corporations. Elle décida de mettre un terme à ces mesures vexatoires, à ces investigations indiscrètes qui atteignaient tous les sujets du royaume et provoquaient tant de justes récriminations. Le système des déclarations fut solennellement aboli. « Toutes les fois, écrivait Defermon dans l’un de ses rapports, que l’assiette d’une contribution dépend de la déclaration des redevables, les uns s’acquittent scrupuleusement, les autres ne craignent pas de s’y soustraire, » de là résulte une inégalité d’autant plus fâcheuse qu’elle surcharge les bons citoyens et profite aux mauvais.
Pour éviter qu’à l’avenir les contribuables ne fussent exposés à se trouver placés entre leur conscience et leur intérêt, les Constituans voulurent établir uniquement des impôts réels perçus sur les choses et non point sur les personnes. Les diverses formes de la richesse publique furent frappées d’une façon objective, indépendamment de la qualité de leurs propriétaires : que ceux-ci fussent nobles, ecclésiastiques ou bourgeois, leurs biens