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LE ROI ET LA REINE DE NAPLES.

qu’il a de rare et de précieux ; pour elle, l’État napolitain est surtout le royaume du corail : « Vous seriez bien aimable, mon cher frère, de m’envoyer une petite parure de corail travaillé. Celle que vous m’avez donnée a été égarée pendant mon voyage, et je la trouvais si jolie que le seul moyen de me consoler est de m’envoyer un nouveau souvenir. »

Pauline aura ses coraux, et Caroline s’arrangera de manière qu’ils lui soient remis le jour de l’an. Mais l’approche des étrennes ajoute aux tracas de Caroline, car ses obligations sont multiples. Pour le Roi de Rome, pour cet auguste filleul, elle commande des étrennes merveilleuses. Murat recevra une écritoire, les jeunes princes recevront de leur mère des cadeaux appropriés à leur âge, et les princesses des médaillons : « C’est un souvenir et non un riche cadeau que je veux leur faire, — écrit Caroline à Murat, — à leur âge, elles ne doivent rien porter de trop brillant ni de trop riche. Les médaillons que je t’envoie sont fort jolis, tels qu’on les fait maintenant et tels que je les porterais moi-même. » Son particulier désir serait de reconnaître les soins dont l’a comblée son oncle Fesch tandis qu’il l’hébergeait. Déjà, elle a songé à le satisfaire en un de ses goûts favoris : « Fais-moi le plaisir, a-t-elle écrit à Murat, d’envoyer au cardinal du café, du bon Moka, mais en grande quantité. Tu le lui as déjà promis ; expédie-le par les rouliers. » Mais le cardinal est encore plus collectionneur que gourmet, et nul cadeau ne lui agréerait autant qu’une ou deux toiles de maître qui figureraient en bonne place dans sa galerie. À son intention, Caroline sacrifierait volontiers deux des plus beaux tableaux qu’elle possède à Naples et notamment, dit-elle à son mari, « celui de Raphaël ou du Pérugin qui était au Mont-Cassin et dont tu m’as fait présent. » Ce chef-d’œuvre, si Murat l’envoyait à temps, arriverait à merveille pour les étrennes du cardinal et contenterait sa friandise d’objets d’art et de curiosité.


V

La correspondance de Caroline nous fait assister au jour de l’an dans la famille impériale, au dernier jour de l’an des temps victorieux, à celui qui se place au seuil de l’année d’abord formidable et subitement sinistre, — 1812. À la première heure, la Reine reçoit de son mari un souvenir qui la