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propose dans sa Dîme Royale d’établir une contribution unique du dixième assise sur le produit des terres et de tous les biens meubles ; Boisguilbert et l’abbé de Saint-Pierre préconisent l’institution d’une taille proportionnelle perçue sur chaque redevable « au sol la livre » de ses facultés. Rademont, Boulainvilliers, Auber, chacun dit son mot, vante son système.


En arrivant au pouvoir, le gouvernement de la Régence voulut à son tour introduire des réformes dans un régime fiscal dont les abus venaient d’être dénoncés avec une telle unanimité. Le Conseil des finances fut saisi de la question. Sous l’impulsion de son président le duc de Noailles, il élabora un projet de règlement destiné « à procurer au peuple un commencement de soulagement » par une égalité dans la répartition des impositions. D’après ce projet, la taille arbitraire devait être supprimée et remplacée par une taille proportionnelle qui, sous réserve du maintien des privilèges de la noblesse et du clergé, atteindrait d’une manière uniforme les diverses sources de revenus. A cet effet, il serait procédé par tout le royaume à un dénombrement général des fortunes. Dans chaque paroisse, l’état des terres et des maisons, « le profit du commerce et de l’industrie, » le montant des salaires seraient déterminés et imposés par des commissions locales sous la direction de l’intendant et de son subdélégué.

L’administration ne se dissimulait point les difficultés de la tâche qu’elle allait entreprendre ; aussi songea-t-elle à recourir aux bons offices des personnes notables de chaque localité. « Comme l’objet de la réforme, » lit-on dans un rapport au Conseil, « n’a pour principe que la justice et l’équité, on ne doute point que les seigneurs, curés et gens notables dans les paroisses ne concourent à la perfection de cet ouvrage en portant leurs vassaux et paroissiens à donner des éclaircissemens et la connaissance des détails dont on aura besoin... » S’il se trouvait toutefois de ces seigneurs ou curés « qui ne fussent pas bien intentionnés » et voulussent « donner des conseils indiscrets » à la population, les commissaires des tailles en référeraient sur-le-champ à l’Intendant et chercheraient d’autres moyens de se renseigner. Ils n’auraient qu’à provoquer des dénonciations, à promettre aux délateurs des dégrèvemens d’impôt, et ils seraient aussitôt fixés, « car il est peu de paysans qui, quand il s’agira