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de nos réserves, la distribution tardive et irrégulière des effets de campement, le peu d’initiative laissé aux commandans et aux intendans, une détestable routine administrative, toutes fautes avouées maintenant par l’Empereur. Il s’en prenait dans sa brochure à des préjugés détestables et à des habitudes invétérées, aux Chambres qui refusèrent les crédits et les réformés nécessaires, à l’opposition qui préconisait la levée en masse. Il se blâmait lui-même ainsi : « L’Empereur, confiant dans des armées qui avaient remporté de si glorieux succès en Crimée et en Italie, n’était pas loin de penser qu’avec leur irrésistible élan elles pourraient suppléer à bien des insuffisances et assurer la victoire. Ses illusions ne furent pas de longue durée. Arrivé à Metz le 28 juillet, il commença à craindre que des obstacles insurmontables ne fissent échouer ses projets. L’armée de Metz, au lieu de 150 000 hommes, n’en comptait que 100 000 ; celle de Strasbourg que 40 000 au lieu de 100 000 et le corps du maréchal Canrobert avait encore une division à Paris et une autre à Soissons. Son artillerie et sa cavalerie n’étaient pas prêtes. De plus, aucun corps d’armée n’était encore complètement muni des accessoires exigés pour entrer en campagne. »

Il est à remarquer qu’au sujet de ces erreurs et de ces défectuosités si déplorables, nul critique de la guerre n’a été plus sévère que l’Empereur. Il retrace les revers de Wissembourg, de Freschwiller, de Spickeren, puis il déplore « l’ignorance absolue où nous restâmes toujours de l’emplacement et des forces ennemies... A Paris on n’était pas, dit-il, mieux renseigné que nous. Ces tristes débuts de la campagne, ajoute-t-il, devaient naturellement affecter l’opinion publique d’une manière pénible. L’Empereur sentit qu’on le rendait responsable de la mauvaise situation de l’armée, tandis que celle-ci accusait le maréchal Le Bœuf des lenteurs et de l’insuffisance de l’organisation. Il se décida alors à donner le commandement au maréchal Bazaine dont tout le monde appréciait la capacité, et à supprimer les fonctions de major général. » Il aurait pu dire un mot de l’erreur générale qui attribuait à ce piètre chef des mérites qu’il n’avait pas, mais il n’en dit rien.

Napoléon III rapporte que, revenu avec Mac Mahon à Châlons, le ministère Palikao avait cru pouvoir l’affranchir de l’action constitutionnelle que l’Empereur devait seul exercer, « puisqu’il n’avait donné à la Régente que des pouvoirs restreints. » « Ainsi,