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« Gott war mit uns ! Dieu était avec nous ! » L’œuvre artistique n’est pas de nature à fixer longtemps l’attention, mais le sujet et les inscriptions font réfléchir.

L’annonce de l’arrivée prochaine de Napoléon mit en émoi la population industrielle et commerçante de Cassel. On s’accordait généralement à penser que le château de Wilhelmshöhe, résidence royale, était beaucoup trop beau pour celui qui avait déchaîné une pareille guerre. Les officiers et les hauts fonctionnaires ne se gênaient pas pour dire que les casemates de Graudenz eussent mieux convenu, mais l’ordre du Roi n’était pas de ceux qu’on pouvait discuter. Il fallait obéir, et celui qui devait être le gardien de Napoléon III, le général comte Charles de Monts, quoiqu’il lui en coûtât beaucoup, — il avait eu son fils mortellement frappé à Saint-Privat, — donna l’exemple.

Le général[1] dont je recueille les souvenirs, en même temps que ceux de Mels-Cohn et de quelques autres témoins de cette histoire, était né le 24 décembre 1801. Originaire d’une vieille famille huguenote, qui sortit de France après la Révocation de l’édit de Nantes, il suivit les traditions de sa maison en entrant en 1818 comme enseigne au 1er régiment de la Garde ; sous-lieutenant en 1819, lieutenant en 1833, capitaine et major en 1834, directeur de l’École de la 11e division militaire en 1844, lieutenant-colonel en 1851, commandant du 38e d’infanterie en 1852, major-général en 1853, commandant la 29e brigade en 1857, directeur de la 8e division en 1859 et de la 14e en 1860, lieutenant général et affecté au 14e corps en 1864, directeur de l’Académie de guerre en 1865, général d’infanterie en 1866, il était en 1870 gouverneur de Cassel, poste militaire important et qui, en cas d’invasion des Français, eût été le centre de grandes opérations. Tous ses grades avaient été conquis régulièrement par un labeur aussi intelligent qu’obstiné. Il mourut à Dresde en 1886. Ses notes, prises au cours de la captivité de Napoléon III, se distinguent par leur simplicité, leur précision et leur accent de véracité. Il y décrit en toute franchise la vie quotidienne de l’Empereur à Wilhelmshöhe. Confrontées avec celles du journaliste allemand A. Mels-Cohn[2], qui servit parfois de secrétaire à Napoléon III, elles corroborent l’attestation d’exactitude et de fidélité que leur donne l’éditeur, sa petite-nièce

  1. Napoléon III ans Wilhelmshöhe (1870-1871), Berlin, in-8, 1909.
  2. Wilhelmshöhe, par A. Mels, 1880.