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cette lamentable histoire, les âpres et douloureux pourparlers entre Wimpffen, Moltke et Bismarck, le délai pour la signature des conditions prolongé jusqu’au lendemain 2 septembre à neuf heures du matin ; l’entretien, ce jour-là, de Napoléon III avec Bismarck dans la pauvre chaumière du tisserand Fournaise à Donchery, la signature de la capitulation à onze heures, puis l’entrevue finale du Roi et de l’Empereur à deux heures au petit château de Bellevue. C’est là que, sur la proposition du prince royal, le choix de Wilhelmshöhe comme séjour de l’impérial captif fut arrêté. Le lendemain, Napoléon partit pour l’Allemagne en passant par la Belgique, et les prisonniers français, en files interminables, allèrent s’entasser pêle-mêle dans la presqu’île d’Iges justement surnommée le Camp de la Misère, première étape de la plus triste des captivités.


Le château de Wilhelmshöhe est à une heure et demie de Cassel. On y accède par une belle et large allée de tilleuls en passant par les bourgs de Wahleiden et de Wallershausen. Les bâtimens voisins comprennent un corps de garde et des écuries transformées en caserne de hussards. Lors d’un voyage en Thuringe, le château m’apparut sous la forme d’une construction massive surmontée d’une lourde coupole et d’un portique à six colonnes doriques, flanquée de quatre lions de bronze et encadrée de grandes bâtisses disgracieuses. C’est l’antique couvent des Bénédictins de Weissenstein, devenu, depuis le XVIe siècle, la résidence d’été des électeurs de Hesse et arrangé en forme de palais par Dury et Jussow, de 1787 à 1794, pour le grand électeur Guillaume Ier ; il fut agrandi et complété en 1829. Actuellement, c’est le séjour d’été de la famille impériale. Ce palais n’offre rien d’artistique. J’accorde qu’il est somptueusement meublé et contient de nombreuses pièces auxquelles les Anglais décernent volontiers l’épithète banale de confortables. Quant aux constructions telles que le temple de Mercure, le Riesenchloss et l’obélisque surmonté d’une énorme copie de l’Hercule Farnèse, géant que le populaire a surnommé der Grouse Christophe et dans la cuisse duquel huit forts Allemands peuvent tenir à l’aise, on ne peut vraiment en faire l’éloge. C’est, parait-il, un produit de l’imagination inventive du landgrave Charles. Ce prince aimait l’extravagance ; cela se voit. Mais rien n’est plus beau que l’aspect des montagnes et des forêts de la Thuringe qui