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de payer les taxes scolaires. Le rejet des lois, qui développent l’enseignement laïque et combattent le mouvement alcoolique date de plusieurs mois. Le flux puritain est stationnaire. Les statistiques trahissent un léger fléchissement, Et la bataille engagée, au son des hymnes bibliques, ne fut pas décisive.

Une autre, engagée au chant des refrains patriotiques, ne l’a pas été davantage. Et, cependant, les passions chauvines constituent le grand levier électoral du parti conservateur. Il a hérité de l’art merveilleux avec lequel les Whigs d’autrefois savaient, à l’heure psychologique, brandir le spectre de l’invasion. Une des plus écrasantes défaites qu’ait subies, au cours du XIXe siècle, le parti radical, celle de 1900, lui fut infligée au son des fifres et des tambours. Si Croydon, au mois d’avril 1909, — ce faubourg de Londres, à mi-chemin de Brighton, qui dresse ses cottages flambant neuf, sur les premiers contreforts des Downs, — a brusquement, en quelques semaines, passé d’un camp dans l’autre, battu le porte-drapeau radical, écrasé le candidat socialiste, c’est que l’élection a été faite aux cris de : « Des Dreadnoughts ! Nous voulons des Dreadnoughts ! »

Au mois de décembre dernier, les Conservateurs s’efforcèrent de faire appel, à nouveau, aux inquiétudes patriotiques.

C’est le socialiste Robert Blatchford qui ouvre le feu dans le Daily Mail. Romancier populaire, pamphlétaire redoutable, philosophe et économiste à ses momens perdus, cet ancien sous-officier est une des physionomies les plus curieuses du socialisme anglais. Son journal, le Clarion, tire à 40 000. Ses nouvelles, Merrie England, se vendent à des centaines de mille. Ses polémiques contre les théologiens des Eglises chrétiennes, contre les partisans du désarmement immédiat, ont un énorme retentissement. Les Conservateurs avaient la main heureuse et découvraient un allié précieux. Reprenant, sans les renouveler, ses articles antérieurs, Robert Blatchford profite de l’énorme tirage du Daily Mail pour analyser les ambitions politiques, la puissance commerciale, la force militaire et les rêves maritimes de l’Allemagne « tentaculaire. »

Aux articles viennent s’ajouter les discours. Un peu partout les orateurs tories approuvent et précisent les révélations de Blatchford. Lord Cromer, à Sheffield, le 17 décembre, reprend