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Le parson tory et le fermier protectionniste, le boutiquier puritain et le journalier radical entourent d’un égal respect le Lord du village. La pensée que le Château fermera ses fenêtres et clora ses portes, ne laisserait aucun d’entre eux indifférent. Caricatures outrageuses, épithètes blessantes ont irrité autant le paysan au collier de barbe grise, au pantalon de velours serré par une ficelle de cuir, que le fermier, correctement rasé, et guêtre de leggins. Un souffle de colère balaie les candida- tures radicales dans les circonscriptions rurales du Centre et du Sud. Le tocsin de la guerre civile n’est pas à la veille de sonner dans la campagne anglaise. Il retentira d’abord, — si la Grande- Bretagne doit revoir les jours sombres de 1819 et de 1848, — dans les villes industrielles.


III

Ces sentimens ne sont pas les seuls qui aient joué un rôle dans la bataille électorale. Passions puritaines et passions patriotiques se sont heurtées, tout comme les courans démocratique et conservateur, libre-échangiste et protectionniste. Mais des forces morales, plus encore que des forces politiques ou économiques, il est vrai de dire que, faute d’une intensité particulière, elles se sont mutuellement équilibrées.

The puritan wave, la poussée puritaine a laissé sur l’Angleterre d’aujourd’hui une empreinte visible. L’alcoolisme recule. A Londres, la prostituée disparaît du trottoir. Le Music Hall est épuré. Le Nu est proscrit. Les Églises dissidentes retrouvent de l’argent et des fidèles. Les pasteurs conformistes, docteur Clifford, docteur Campbell, Silvator Horne, jouissent d’une indéniable autorité.

L’idéalisme démocratique et le protestantisme puritain sont, Outre-Manche, deux termes inséparables. Ces églises laïques, dont le culte ne consiste qu’en réflexions morales, coupées de prières improvisées, de lectures bibliques et d’hymnes religieux, ces chapelles, pauvres et laides, où fréquentent seules la petite bourgeoisie et l’aristocratie ouvrière, constituent les centres vivans du parti radical. Il leur doit ses caractères les plus nobles et ses orateurs les plus éloquens. Et si la campagne