Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 56.djvu/58

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
52
REVUE DES DEUX MONDES.

de l’Empereur absent, le Roi de Rome dans son berceau. La vue de ce bel enfant, étonnamment fort pour son âge, lui rendit l’image des siens, alors qu’ils étaient tout petits ; elle donnait pour eux à Murat cette commission : « Tu leur diras que le Roi de Rome est beau comme un ange. »

Ensuite elle commença son enquête, s’efforça de discerner ce qu’il fallait craindre et ce que l’on pouvait espérer, interrogea plusieurs ministres et grands fonctionnaires, vit Cambacérès, l’homme de bon conseil. D’après tout ce qui revenait à la Reine, sa première impression n’était pas mauvaise. Assurément, on ne pouvait se dissimuler que l’Empereur fût irrité, grandement irrité, mais il ne paraissait pas que l’on dût désespérer totalement de son affection et de ses bontés. De ces vagues constatations, Caroline exagère le caractère rassurant afin d’en faire un baume pour Murat physiquement et moralement malade : « Tranquillise-toi, ne va pas te figurer que l’Empereur ne t’aime plus, car cela te rend malade. Il faut dans les événemens plus de calme… Je puis t’assurer, d’après tout ce que j’entends dire, qu’il n’y aura pas de réunion ; sois-en bien persuadé ; je ne te le dirais pas si cela n’était pas. » Elle tira au clair l’affaire d’Aymé, où rien ne lui parut très redoutable ; elle reconnut l’effet désastreux produit par le décret contre les Français. Comme le duc de Campo-Chiaro, ambassadeur des Deux-Siciles, congédié pur ordre de l’Empereur, s’en retournait à Naples, elle le chargea pour Murat d’une lettre où elle précisait les vrais motifs du péril encouru, afin que le Roi ne s’y méprît plus et se comportât en conséquence :

« Mon cher ami, je reçois enfin ta lettre du 23, qui me tranquillise sur ta santé. C’est la première que je reçois depuis mon départ de Naples.

« Le duc de Campo-Chiaro qui se rend à Naples te remettra cette lettre et te confirmera tout ce que je vais te dire. Je te prie d’avance de ne croire que moi ou que ce qu’il te dira, et de te méfier de toutes les nouvelles particulières que tu reçois. D’après tout ce que j’ai entendu jusqu’ici, l’Empereur est très fâché contre toi, et c’est ton décret contre les Français et la suppression de la place du maréchal Pérignon qui sont les principales causes de son mécontentement. On te trompe beaucoup en te faisant croire que ce sont les rapports des personnes qui sont parties de Naples qui ont irrité l’Empereur contre toi, et répandu