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Siam, — puis avec les envois de ses gouverneurs de provinces ou de colonies, comme M. de Choupes qui, en 1663, reçut l’ordre d’envoyer à Versailles des oiseaux de Belle-Isle ; comme le gouverneur de Madagascar qui envoya, en 1671, un casoar acheté à des marchands venant des Indes ; comme le chevalier d’Hailly, capitaine de vaisseau, qui expédia à Versailles, la même année : un chevreuil, deux civettes, deux perdrix de Barbarie, un aigle, un hocco, des pintades et un crocodile, etc. D’un autre côté, les navires des deux Compagnies des Indes apportaient régulièrement les oiseaux les plus beaux ou les plus rares d’Amérique, d’Asie ou d’Afrique, Enfin Colbert envoyait directement chaque année dans le Levant, en Egypte et en Tunisie, un pourvoyeur d’animaux du nom de Mosnier Gassion avec mission d’acheter des moutons, des chèvres, des cerfs, des autruches, des poules sultanes, des demoiselles de Numidie, des canards d’Egypte, etc.

Gassion partait à peu près régulièrement de Marseille ou de Toulon à la fin de l’année, de manière à pouvoir rentrer en avril ou en mai et à faire voyager son convoi aux premiers beaux jours de France. Muni d’acomptes délivrés par les intendans de la marine : M. de Vauvré à Toulon, M. Arnoul à Marseille, il s’embarquait avec un domestique, sur le premier bateau en partance pour l’Orient. Il débarquait à Tunis, à Alexandrie, au Caire ou allait dans les Echelles du Levant faire sa récolte. Les navires français naviguant dans ces parages avaient l’ordre de recevoir les animaux recueillis par lui ; si les capitaines faisaient quelque résistance, il se plaignait et une lettre de Louis XIV, communiquée par les consuls, ne tardait guère à venir remettre les récalcitrans à ses ordres. Revenu enfin à Toulon ou à Marseille, il devait entrer en quarantaine avec ses bêtes. Pendant ce temps, il écrivait à Colbert pour lui faire part de son retour, puis, après avoir donné encore, au portier et au concierge de la quarantaine, force pourboire, le « parfum » comme on disait alors, il se mettait en route pour Versailles, faisant voiturer ses animaux par un nommé La Roche. Cette dernière partie du voyage se faisait partie par terre, partie par eau, dans des conditions peu favorables ; aussi quand, deux mois après son départ de Provence, Gassion arrivait à Versailles, il avait moins d’animaux qu’il n’en avait acheté. Parfois il repartait immédiatement de sorte qu’en l’espace de vingt-trois