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de citer ce passage de son discours. Parlant de la représentation proportionnelle : « Elle aura, dit-il, cet incomparable mérite de permettre à la France de surveiller de plus près, dans une association plus étroite avec des délégués officiels, le fonctionnement du régime parlementaire. Et la France pourra dire alors en toute liberté si, pour améliorer un mécanisme qui laisse tant à désirer, d’autres remaniemens ne sont pas encore nécessaires. Elle dira notamment si des mandataires, après avoir augmenté eux-mêmes leurs salaires, ne devraient pas offrir une contre-partie à leurs commettans et se résigner à la réduction d’une assemblée trop nombreuse, où les passions s’exaspèrent comme dans une foule et où une âme collective se forme pour l’anéantissement des volontés individuelles. Elle dira s’il est bon que le mandat devienne une profession, que la politique appartienne de plus en plus aux politiciens de carrière, que la permanence des sessions parlementaires mette les députés dans l’impossibilité de garder le contact avec le pays et tienne fatalement éloignés des Chambres une multitude d’hommes de valeur, savans, littérateurs, agriculteurs, commerçans, industriels. Elle dira enfin s’il est conforme à l’intérêt du pays que le gouvernement lui-même, constamment accablé par les exigences du Parlement, n’ait plus le temps de se reprendre, de se reconnaître, de se consulter, et que, perpétuellement sollicité, harcelé, tourmenté, ne sachant plus à qui répondre, il en arrive si souvent à confondre l’art de gouverner avec l’art oratoire, et un progrès social avec un vote de confiance. »

Nous serions heureux d’entendre dire par la France tout ce que M. Poincaré dit pour elle : elle y gagnerait en santé morale, en prospérité, en dignité. Malheureusement, il y a loin de ce langage aux pensées secrètes, aux calculs avides, aux projets tenaces de la majorité actuelle. On n’a pas oublié qu’elle a voté le scrutin de Liste et même la représentation proportionnelle, mais qu’elle a ensuite rejeté le tout dans un vote d’ensemble : nous avons raconté cette comédie lorsqu’elle s’est produite. Il faut maintenant parler d’une autre qui fait moins d’honneur encore au Parlement : elle a été jouée en plusieurs temps, sur deux scènes différentes.

Tout le monde sait qu’aux élections dernières, des fraudes électorales nombreuses et nettement caractérisées ont introduit au Palais-Bourbon des pseudo-députés qui n’ont jamais été élus. Ils ont été proclamés, la Chambre les a validés, et le tour a été joué. Ce sont là des choses qu’on fait, mais qu’on n’ose pas approuver, et on n’ose pas, non plus, refuser de mettre à l’étude les propositions de loi destinées