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LE ROMAN FRANÇAIS[1]


III[2]



L’ÂME GÉNÉREUSE
LA PRINCESSE DE CLÈVES


I


Mlle de Scudéry vécut trop pour son bonheur. Née au Havre en 1607, elle ne mourut à Paris qu’en 1701, âgée de quatre-vingt-quatorze ans. C’est dire qu’elle survécut de près de huit ans à Mme de La Fayette, à l’auteur d’un roman dont l’apparition avait porté un coup mortel au Grand Cyrus et à la Clélie. Mlle  de Scudéry eut donc le chagrin de vieillir au milieu d’une société qu’elle ne comprenait pas et qui ne la comprenait plus, de survivre à son influence et à sa gloire, et elle passa sa vieillesse à se regretter. Tout avait changé autour d’elle. Un astre nouveau s’était levé qui éblouissait la France, et tout ce qu’il n’éclairait pas de ses rayons était plongé dans la nuit.

Sous le règne de Louis XIII, les salons avaient en quelque sorte éclipsé la Cour ; ils donnaient le ton, ils dominaient sur la littérature, ils représentaient l’esprit et la culture nouvelle. Mais à peine Mazarin est-il mort en 1661 et Louis XIV commence-t-il

  1. Copyright by Mme  Gabriel Lippmann.
  2. Voyez la Revue du 15 février.