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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Qui se douterait, à voir les allures de la Chambre des députés, que nous soyons à la veille des élections générales ? Quelques symptômes le font bien pressentir, par exemple la remarquable maestria avec laquelle le budget est mis au pillage ; chaque jour voit augmenter les dépenses publiques à la suite de propositions qui ont pour objet de donner des satisfactions à telle ou à telle catégorie d’électeurs ; mais si, d’autre part, on observe la marche des travaux de l’assemblée, la nonchalance qu’elle-met à les accomplir pourrait faire croire qu’elle a encore devant elle de longs mois et même des années.

D’où vient cette étrange attitude ? Il est difficile de le comprendre, à moins d’admettre que la Chambre veuille acculer le Sénat au dernier moment, pour l’obliger à voter le budget tel qu’elle le lui enverra, sans lui laisser le temps de l’examiner. C’est d’ailleurs son habitude d’agir ainsi. Peut-être a-t-elle une autre raison de faire traîner en longueur la discussion des dépenses : par-là, elle s’enlève à elle-même le temps nécessaire à la discussion des recettes. La majorité est toujours prête à voter les dépenses ; mais, quand il s’agit de voter des recettes correspondantes, c’est le quart d’heure de Rabelais avec toutes ses angoisses. Pour donner de l’argent à quelques-uns, il faut en prendre à tous, en quoi on s’expose à faire plus de mécontens que de satisfaits. Comment sortir d’embarras ? Les résolutions que vient de prendre la Commission du budget, d’accord avec le gouvernement, permettent de s’en rendre compte. On a trouvé une formule ingénieuse, qui consiste à dire que l’équilibre du budget, principe digne de tous les respects et devant lequel on s’incline profondément, sera rétabli en deux étapes. La première étape sera l’année actuelle : on n’y rétablira rien du tout. La seconde sera l’année prochaine : oh ! alors, on fera merveille ; le défilé des élections aura été franchi ; une Chambre