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grand nombre de fumeurs cependant réussirent à tourner la loi. Dans les centres où existent des concessions, ils se portèrent en masse dans les fumeries que le décret impérial n’avait pu atteindre. Ailleurs, à défaut des anciens établissemens fermés, s’installa tout un commerce clandestin. Des mandarins se montrèrent réfractaires aux mesures de suppression. Même plusieurs hauts personnages de la Cour ne purent renoncer à leur passion. Il fallut que l’impératrice Tseu-Hsi lançât, en octobre 1907, un décret où, après avoir cité les noms de quelques princes et ministres délinquans, elle leur accordait un nouveau délai de trois mois, en les menaçant de destitution s’ils persistaient encore à fumer. À la suite de ce décret, bon nombre de fonctionnaires de la Cour, qui n’avaient pu changer leurs habitudes, furent blâmés, et certains reçurent l’ordre d’envoyer leur démission. Un autre décret du commencement d’avril 1908 a institué une Commission de quatre membres qui a été chargée, avec l’aide de médecins, d’examiner tous les fonctionnaires et de faire connaître ceux qui ne se conformeraient pas aux ordonnances impériales. Enfin, le gouvernement a donné son agrément, sur l’initiative prise par les États-Unis, à la convocation d’une Commission internationale de l’opium, qui s’est réunie au commencement de 1909 à Changhaï, et dans son discours d’ouverture, le vice-roi Tuang-Fan a exprimé l’avis que le délai de dix ans, fixé pour la complète suppression de l’emploi de l’opium et l’interdiction absolue des plantations de pavots, devait être abrégé. Les hauts commissaires chinois qui l’assistaient ont fait ressortir l’utilité de publier dès maintenant des règlemens pour accorder des récompenses aux fonctionnaires qui feraient preuve d’énergie dans l’application de Ledit de septembre 1906 réglementant l’usage de l’opium, et pour punir ceux qui se rendraient coupables de négligence dans ce genre de répression.

Nous n’avons pas parlé encore de la réorganisation navale, car le projet de réfection d’une flotte ne figurait pas au programme de réformes élaboré au moment de la guerre russo-japonaise. La Chine tenait avant tout à se constituer une armée de terre : c’est seulement depuis qu’elle en voit l’organisation en plein progrès qu’elle se préoccupe de la réorganisation de sa flotte. Une Commission présidée par le prince Sou a été nommée dans ces derniers temps pour étudier la formation d’une escadre qui deviendrait le noyau de la future flotte chinoise et le projet