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LA CRUE DE LA SEINE.

l’eau de Seine étant à la température de 7°,50 et son degré hydrotimétrique mesurant 19°,58, la température de l’eau du puits était à 12° et son hydrotimétrie à 45°,33. Belgrand en conclut que « le puits ne recevait pas une goutte d’eau de Seine. »

Rien n’est plus intéressant que le conflit véritable qui, dans certaines occasions, s’établit entre l’eau de la nappe et celle de la rivière et tout spécialement lors des inondations. Parfois il peut masquer la signification véritable des phénomènes.

« Souvent, dit Daubrée (Description géologique du Bas-Rhin, p. 345), le volume du Rhin augmente beaucoup parce qu’il y a eu des fontes de neige ou des pluies dans le haut de son bassin, sans qu’il soit tombé d’eau dans la partie moyenne du fleuve. Dans cette partie moyenne, le niveau de la nappe d’eau souterraine s’élève néanmoins, d’abord près de la rivière, puis l’élévation de niveau gagne de proche en proche : ce qui ne peut résulter que de ce que le fleuve, en s’élevant, s’infiltre latéralement dans le gravier voisin. » Eh bien ! cette explication ne paraît pas si évidente, car il suffit que l’eau gonflée du fleuve oppose un obstacle à l’écoulement de la nappe latérale pour que celle-ci subisse elle-même une crue consécutive à la première. La preuve en est dans le rôle de régulateur que Daubrée lui-même attribue à cette nappe en cas de sécheresse, alors qu’elle se déverse bien évidemment dans le cours d’eau et relève son niveau. C’est simplement qu’alors son action n’est plus masquée par la rivière, réduite à des dimensions plus modestes.

Il se passe en somme dans les graviers qui bordent les rivières les mêmes actions qu’on observe à l’égard de la nappe d’eau douce que renferment fréquemment les dunes et qui s’écoule dans la mer. Malgré les alternances des marées, qui peuvent être comparées à des inondations périodiques, l’eau salée ne pénètre pas dans les dunes. Elle est constamment repoussée par l’afflux d’eau douce qui se dirige vers la mer.

Le phénomène arrive au maximum par la tempête. Arago raconte celle du 19 novembre 1824 qui, soufflant dans la direction du cours de la Neva, « empêcha d’une part l’eau du fleuve de s’écouler, et de l’autre éleva tellement le niveau de la Baltique sur toute sa côte orientale qu’il en résulta d’épouvantables inondations. À Cronstadt, ce changement de niveau entre 10 heures du matin et 3 heures de l’après-midi, fut de 3m, 70 ; une grande portion des remparts a été détruite. À Pétersbourg