Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 56.djvu/170

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
164
REVUE DES DEUX MONDES.

de strate mouillée, au moins si le terrain est bien homogène comme serait une couche épaisse de sable. Descendant ainsi, ce tribut des nuages peut constituer, dans l’épaisseur de la masse poreuse, une zone particulière. Peu à peu elle ira alimenter le niveau de fond, mais elle pourra en certains cas être arrêtée, dans sa descente, par une grande sécheresse des régions hautes qui la ferait remonter par capillarité. D’autres fois, elle sera suivie, à distance plus ou moins grande, par le produit d’une autre averse et, dans la plupart des cas, on peut s’imaginer l’hygrométrie de la roche perméable comme étant très variable suivant les niveaux.

Pour qu’il n’y ait pas de doute dans l’esprit du lecteur sur cet état actif de la profondeur au sujet de l’alimentation en eau de pluie, nous citerons les effets constatés en certains pays perméables dont la surface très accidentée est verticalement peu distante du sous-sol étanche.

La condition est réalisée au maximum dans la Champagne pouilleuse, construite géologiquement comme le cap Blanc-Nez. On y est encore sur la craie blanche reposant sur la craie marneuse et celle-ci y supporte naturellement un niveau d’eau. Or, suivant l’intensité et la durée des pluies, ce niveau acquiert une épaisseur plus ou moins grande, et il arrive que sa limite supérieure vient affleurer le fond de ces sillons constitués alors en marais tourbeux, assez fréquens et assez étendus (2 173 hectares) pour avoir contribué aux difficultés de la dérivation de la Vanne.

En somme, le terrain perméable nous apparaît comme un réservoir d’eau : c’est la pluie qui l’entretient, conformément à l’opinion déjà exprimée si nettement en 1580 par Bernard Palissy, dans ses Discours admirables de la nature des eaux et fonteines tant naturelles qu’artificielles (1 vol. in-18 chez Martin le Jeune, à l’enseigne du Serpent, devant le Collège de Cambray).

« Quand, dit-il (p. 34), i’ay eu, bien longtemps et de près, considéré la cause des sources des fonteines naturelles et le lieu de là où elles pouvoyent sortir, enfin i’ay conneu directement qu’elles ne procédoyent et n’estoyent engendrées sinon des pluyes. » « Voilà (ajoute-t-il) qui m’a meu d’entreprendre de faire des recueils de pluyes, à l’imitation et le plus près approchans de la nature qu’il sera possible, et ensuyvant le formulaire du fontenier, ie me tiens tout asseuré que ie pourray faire des