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LA CRUE DE LA SEINE.

N’y eut-il plus d’inondation jusqu’au XIIe siècle ? C’est peu probable. Mais on n’en sait rien. Orderic de Vital (Histoire de Normandie) dit qu’en 1119, à la suite de grandes pluies, il y eut des inondations dont souffrirent fort Paris et Rouen. 1125, 1175, 1195, 1196, 1206, 1219, 1232, 1233, 1236, 1281, 1296, 1306 furent aussi des dates néfastes, particulièrement les deux dernières. En 1296, « la veille de Saint-Thomas l’Apôtre, dit Guillaume de Nangis (Collection Guizot, t. XIII), le fleuve de la Seine s’accrut tellement qu’on ne se souvient pas et qu’on ne trouve écrit nulle part qu’il y ait jamais eu à Paris une si forte inondation, car toute la ville fut remplie et entourée d’eau ; en sorte qu’on ne pouvait y entrer d’aucun côté, ni passer dans presque aucune rue sans le secours d’un bateau. La masse des eaux et la rapidité du fleuve firent crouler entièrement deux ponts de pierre, des moulins et des maisons bâties dessus, et le châtelet du Petit-Pont. » L’inondation de 1306 se compliqua de gel, avant la décrue, en sorte que la débâcle fut terrible.

Un assez long temps se passe sans qu’il soit question d’inondations dans l’histoire. Puis on en constate de graves en 1373, 1384, 1394. En février 1407, ce fut la fonte des glaces qui causa le débordement. Un froid terrible sévissait depuis le mois de novembre. De lourdes charrettes pouvaient traverser la Seine sur la glace. Le Petit-Pont, le pont Saint-Michel et les maisons du Grand-Pont furent emportés, après avoir été ébranlés et renversés par le choc des glaçons, malgré les pieux enfoncés dans la rivière pour amortir cet assaut. Inondation en juin 1426, ce qui est presque une anomalie, et de même en 1427, à la Pentecôte, ce qui pourrait donner à croire qu’on a simplement attribué des dates différentes à un même événement. Mars 1432, janvier 1434, avril 1442, janvier 1496 eurent des crues importantes. L’inondation de 1497 eut pour conséquence, au bout de deux ans, la chute du pont Notre-Dame. Il y eut encore des débordemens en 1505, 1531, 1547, 1564, 1570, 1571, 1573, 1582, 1595. Quelques mois après la crue de cette dernière date, le pont Aux Meusniers s’écroula avec les maisons qui y étaient bâties, et l’Estoile fit de cette catastrophe une punition du ciel, car, dit-il, « la plupart de ceux qui périrent dans ce déluge estoient tous gens aisés, mais enrichis d’usures et pillages de la Saint-Barthélémy et de la Ligue. Sur quoi, sans nous arrester à