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la négation de sa souveraineté sur l’île. Pendant ce temps, les journaux grecs se livraient aux subtilités où brille la souplesse de leur esprit. Ce ne serait pas, ont-ils dit, la première fois que les colonies grecques répandues sur la surface du globe auraient été admises à envoyer des représentans dans une Assemblée nationale hellénique : pourquoi faire une exception pour les seuls Crétois ? On leur a répondu que les Grecs qui forment une colonie à Paris ou à Londres, sont des Grecs, tandis que les Crétois ne sont pas des Grecs, mais des Ottomans. Au reste, le gouvernement turc ne s’embarrassait pas de toutes ces équivoques ; il armait ; les Bulgares en faisaient autant ; des bandes traversaient la Macédoine ; le moment était périlleux. Les puissances ne pouvaient pas rester inactives. La France a pris une initiative qui a été suivie : notification a été faite à la Crète qu’on ne laisserait pas ses députés se rendre à Athènes pour participer aux travaux de l’Assemblée nationale, et la résolution a été prise d’occuper à nouveau, s’il y avait lieu, les ports de l’île, évacués si mal à propos il y a quelque temps. Pourquoi l’ont-ils été alors ? Nous avons signalé, dès le premier moment, les inconvéniens de cette évacuation. Les Crétois en ont conclu qu’ils pouvaient tout se permettre, et ils ne sont pas encore bien revenus de cette illusion.

Les Grecs avaient joué avec le feu : ils se sont pourtant arrêtés quand ils ont senti qu’ils allaient s’y brûler. On a vu, en quelques heures, se produire chez eux une volte-face complète qui a, du moins pour le moment, rasséréné le ciel diplomatique. Les Grecs ont paru tout étonnés des mauvaises intentions qu’on leur attribuait. La question des députés crétois à l’Assemblée nationale était, ont-ils dit, pure fantasmagorie : ils n’avaient nullement l’intention d’admettre ces députés à l’Assemblée. Et l’Assemblée elle-même, pourquoi avaient-ils eu la pensée de la réunir ? Sur ce point encore, on avait méconnu leurs intentions. C’est parce que la Chambre actuelle était sur le point d’arriver au terme de ses pouvoirs, et dans la crainte que les élections législatives ne fissent naître la difficulté des députés crétois, qu’ils avaient substitué à une Chambre à élire immédiatement une Assemblée nationale à élire plus tard, quand on voudrait. En fait, on ne l’élirait qu’à la fin de l’année, ce qui donnerait du temps, beaucoup de temps, et quand on a du temps devant soi, on n’a plus à se préoccuper de rien. Telles sont les assurances qui sont venues d’Athènes. Doit-on, en effet, cesser de se préoccuper ? Il serait téméraire de le dire, car aucun des problèmes qui fermentent dans les Balkans n’est résolu ; ils sont seulement ajournés. Sans doute, c’est heureux. Les