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puissance. Il semble pourtant que ses ambitions soient pour le moment satisfaites : s’il en est ainsi, on peut espérer qu’il ne se passera rien de grave dans les Balkans, avant quelque temps.

Ce qui fait croire, de la part de l’Autriche, à des vues modérées est le bruit qui court d’un rapprochement entre elle et la Russie. L’Autriche, dit-on, désirerait une entente sur la base du statu quo, ce qui est de sa part bien naturel, puisque l’acceptation du statu quo serait aujourd’hui la consécration définitive de l’annexion des deux provinces. Son intérêt est donc évident ; mais on n’aperçoit pas avec la même clarté l’intérêt des autres et surtout de la Russie qui, à la tête des puissances slaves, a vu d’un œil inquiet les derniers événemens. Toutefois, le fait est accompli ; les protestations sont tombées ; une situation nouvelle est née du consentement des uns et de la résignation des autres. La paix est un si grand bien que tout le monde doit en désirer et en désire le maintien. Mais ce serait une illusion de croire qu’il suffit ici d’une bonne volonté réciproque. Nous sommes au commencement d’un échange de vues qui n’aboutira pas sans difficultés. La confiance d’autrefois, celle qui a présidé pendant une dizaine d’années à l’application de l’arrangement de Murzsteg, a reçu une trop rude atteinte pour qu’elle renaisse si vite. Nous devons sans doute nous contenter de savoir qu’il y a un désir commun de concihation à Vienne et à Saint-Pétersbourg, et à ce désir ajouter le nôtre.

En attendant l’effet plus ou moins prochain de ces dispositions améliorées l’état des Balkans, dans ces dernières semaines, a fait naître quelques préoccupations. Des bandes bulgares ont parcouru la Macédoine et s’y sont livrées aux mêmes exercices qu’autrefois. On s’en est inquiété à Constantinople ; on y a pris des mesures énergiques et rapides pour arrêter le mouvement avant qu’il se fût développé davantage. Les bandes bulgares qui n’étaient, il faut le dire, ni très nombreuses, ni très fortes, ont été facilement dispersées et un certain nombre d’entre elles ont laissé quelques prisonniers entre les mains des Turcs. Une demi-douzaine de ces prisonniers ont été traduits devant un conseil de guerre à Salonique, et condamnés à mort. Il en est résulté une vive émotion en Bulgarie ; des démarches ont été faites pour obtenir, en faveur des condamnés, une commutation de peine ; des professeurs de Sofia ont rédigé des adresses. Ces manifestations ont produit quelque effet. Le nouveau ministère ottoman n’a pas voulu pousser les choses à bout ; il a cru politique de commencer par une mesure de clémence ; les condamnés de Salonique ne seront pas exécutés. Mais en résultera-t-il une détente