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Mais il est évident que cette restauration financière et économique n’a chance de s’accomplir que si la politique étrangère des Jeunes-Turcs reste aussi prudente que leur programme administratif paraît sage. Au point de vue financier, ils auraient tort, semble-t-il, de ne pas tirer parti de l’excellente organisation de la Dette publique qui devrait constituer le pivot de la réforme. Nous comprenons l’ambition des ministres qui est d’avoir une administration indigène autonome ; mais ce résultat peut s’obtenir par une sorte d’absorption de la Caisse de la Dette. Les fonctionnaires étrangers entrés au service direct de la Turquie qui siègent au Malieh (ministère des Finances) sont certainement aussi complètement dévoués à leur tâche qu’il est possible de l’être. Une extension des attributions des délégués européens, qui seraient en même temps rattachés plus étroitement à l’administration turque, pourrait avoir les plus heureux résultats. De même la Banque ottomane rendrait à l’Etat les plus grands services, non pas seulement en lui consentant, comme sous le régime hamidien, des avances répétées, mais en appliquant dans une large mesure les articles de ses statuts qui lui attribuent les services de la Trésorerie publique. Ce développement aurait un double effet : il faciliterait les opérations du ministère des Finances, et il aiderait à l’accomplissement de la réforme monétaire qui serait un bienfait pour la population de l’Empire. Enfin une réorganisation de la Banque agricole, dans laquelle on pourrait appeler des spécialistes occidentaux à siéger à côté des directeurs ottomans, permettrait d’imprimer à ses opérations une allure dont les agriculteurs ne tarderaient pas à se féliciter. C’est en s’engageant dans cette triple voie et en continuant à associer les compétences européennes à la bonne volonté de leurs compatriotes, que l’éminent ministre des Finances et ses collègues travailleront, avec des chances de succès rapide, au relèvement économique et financier de leur patrie.


Raphaël-Georges Lévy.