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délégations des divers ministères, qui perdent jusqu’à 50 pour 100 de leur valeur nominale et continuent à grossir la Dette flottante. En 1873, le Crédit mobilier français essaie de placer 694 millions d’un emprunt 6 pour 100, mais le quart à peine en est souscrit : le krack formidable de Vienne, qui avait dans les dernières années été la place d’élection des fonds turcs, porte un coup sensible au marché de ces valeurs. La Banque impériale ottomane prend alors une part de plus en plus active aux affaires de l’État et lui vient en aide par des avances qui s’élèvent à un moment à près de 100 millions de francs. Mais l’énormité du fardeau des dettes de toute sorte pesait de plus en plus sur la Porte, qui finit par succomber sous le faix : le 7 octobre 1875, elle annonça que, durant cinq ans, elle ne paierait en espèces que la moitié des coupons, l’autre moitié en titres rapportant eux-mêmes 5 pour 100 d’intérêt : le capital de la dette dépassait alors 5 milliards : le service annuel exigeait 318 millions de francs, dont 280 pour la dette extérieure.

Dès le mois d’avril 1876, la banqueroute fut complète : le demi-coupon annoncé n’avait été payé qu’une fois, en janvier. La guerre avec la Serbie exige des ressources extraordinaires. Abdul-Aziz détrôné succombe mystérieusement ; il est remplacé par son frère Mourad ; trois mois plus tard, le 31 août 1876, celui-ci, devenu fou, dit-on, a pour successeur un autre de ses frères, Abdul-Hamid, qui devait régner trente-trois ans. Le 23 décembre, il proclame une Constitution qui fut bientôt lettre morte et ne revit le jour qu’en 1908. Après la guerre contre la Russie, déclarée par celle-ci le 24 avril 1877 et terminée par le traité de San Stefano, révisé ensuite au Congrès de Berlin, dont l’acte définitif fut signé le 13 juillet 1878, la réorganisation des finances fut à l’ordre du jour. Le 10/22 novembre 1879, un décret affecta une annuité de 1 350 000 livres turques au service de la Dette et céda à un groupe de banquiers de Galata, pour dix ans, la perception de certains impôts et l’administration des monopoles du sel et du tabac : ce fut l’embryon duquel sortit l’organisation nouvelle. Le 1er septembre 1881, se réunirent les délégués des créanciers français, anglais, austro-hongrois, allemands et italiens ; trois mois plus tard, ils s’étaient mis d’accord avec la Porte : un décret du 8/20 décembre 1881 (28 mouharrem 1299) sanctionna ces arrangemens, et organisa le Conseil d’administration de la Dette publique.