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par la mise en tutelle des officiers pour les plus petites choses.

Ce qui nous a frappé aussi, c’est l’état moral supérieur de cette armée territoriale composée d’hommes qui, par un pur sentiment patriotique, acceptent volontairement des charges relativement lourdes pour se mettre en état de défendre le sol national ; cet état moral se manifeste dans les attitudes, dans les gestes, dans les actes. J’imagine que ces braves gens, malgré les lacunes de leur instruction militaire, donneraient beaucoup plus qu’on ne le croit.

Les nouveaux engagés dans l’armée territoriale sont fort jeunes ; quelques-uns paraissent presque des enfans ; néanmoins leur allure est martiale, leur attitude fort correcte. Rentrée au camp après une pénible journée de manœuvres, toute cette jeunesse, oubliant la fatigue, se livre avec une remarquable ardeur aux sports dont les Anglais sont si friands. Les rapports entre chefs et soldats sont affectueux sans être familiers.

L’initiative et l’état moral sont deux grandes forces que l’on perd trop souvent de vue lorsqu’on évalue la valeur de l’armée territoriale en supputant son effectif et le nombre de ses journées d’exercice. On néglige ainsi des facteurs qui échappent au calcul et l’on risque de commettre de grossières erreurs.

L’armée territoriale anglaise n’offre donc aucune ressemblance avec une garde nationale. C’est un organisme complet, immédiatement utilisable ; l’instruction militaire y laisse peut-être à désirer, mais, par ses qualités morales, une telle troupe aura un grand rendement en campagne, dans la défense même du sol. Il n’y a aucune comparaison à faire avec l’ancien corps de volontaires ; le progrès réalisé est incontestable et capital. Est-ce à dire que l’armée territoriale possède une valeur comparable à celle d’une bonne armée permanente ? Certes non. C’est une milice, mais une excellente milice, parce qu’elle est animée d’un esprit tout spécial que donne seule l’application du principe du volontariat désintéressé.

A la manœuvre, l’infanterie territoriale nous a paru bonne ; elle est résistante, montre de l’entrain et utilise bien le terrain ; ses formations sont parfois un peu défectueuses, mais ce défaut disparaîtra dès que les officiers auront acquis plus de pratique. Nous n’avons pas vu la cavalerie (yeomanry) ; des personnes compétentes nous en ont fait grand éloge. L’artillerie de campagne est très inférieure : parmi les ouvriers de certaines professions,