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Une puissance historique hostile est ressuscitée, lisait-on dans cette revue. Une écrasante majorité parlementaire a compris qu’il ne s’agissait pas d’une question doctrinale de droit public ou d’une question de politique pratique, mais d’une attaque contre le nouvel Empire, contre le cœur de la vie nationale. Bismarck parlera, quand sera venu le moment de la décision pratique. Il faudra un jour ou l’autre régler par un droit d’Empire les rapports entre l’État et l’Église.


Le Reichstag venait de refuser au Centre l’insertion, dans la Charte d’Empire, de certaines formules qui garantiraient la paix religieuse ; et les Grenzboten annonçaient, pour le jour où Bismarck aurait parlé, le vote de certaines lois d’Empire dont on pouvait prévoir que la guerre religieuse sortirait.

Mais ce Bismarck, dont ses propres organes jouaient ainsi comme d’un fantôme, gardait encore ses lèvres closes ; et l’Allemagne continuait d’ignorer encore ce qu’officiellement le chancelier pensait.


VIII

C’est que Bismarck, au cours de ce mois d’avril, entamait une causerie avec Rome : et ce qu’il pensait, c’est là qu’il le disait. Le 17, il invitait Taufkirchen, ministre de Bavière auprès du Pape, à signaler au Saint-Siège le manque de tact et l’allure agressive du Centre, et le bénéfice que tiraient d’un tel spectacle les ennemis du Pape et de l’infaillibilité. Vingt-quatre heures après, il mandait Busch, et lui remettait, pour la Gazette de l’Allemagne du Nord, un brouillon d’article : une plume qui ne se nommait pas, — celle, sans doute, du chancelier lui-même, — expliquait dans cet urgent papier que, si les anti-infaillibilistes progressaient en Bavière, la faute en était à la mauvaise impression que produisait le Centre au Reichstag. Ainsi la presse devait-elle préparer les voies à Taufkirchen, chargé de prévenir le Pape, charitablement, presque par obligeance, que les hommes du Centre nuisaient à son prestige spirituel par la besogne qu’ils tentaient et le bruit qu’ils faisaient.

Taufkirchen, dès le 21 avril, télégraphiait au chancelier qu’Antonelli déplorait et désapprouvait, comme manquant de tact et comme inopportune, l’attitude du Centre ; il écrivait, le 10 mai, que Pie IX avait parlé de même à Kalnoky, et que les excès de zèle des ultramontains allemands seraient ultérieurement censurés. Sur ces entrefaites, Frankenberg rendit visite à