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document sur lequel reposerait l’Empire protégerait ainsi les églises contre les innovations législatives des diètes locales et même du Reichstag ; et s’il était vrai, comme le prétendaient les nationaux-libéraux, que les batailles de 1870 fussent un triomphe de Luther, une barrière serait ainsi posée, qui empêcherait le protestantisme d’abuser de sa victoire.

Ainsi le Centre, dominé par le souci de la défense religieuse, et mis en éveil par les provocations mêmes des partis hostiles, prétendait enchaîner les caprices législatifs des divers Etats ; il se composait d’autonomistes, de fédéralistes, de particularistes ; et l’on entendait tous ces défenseurs chatouilleux des indépendances locales et territoriales réclamer de l’Empire centralisé l’affirmation de certains principes généraux sur la vie des Eglises. En 1867, au parlement de la Confédération du Nord, Mallinckrodt, déjà, avait émis un pareil vœu : Savigny, alors commissaire de la Confédération, l’avait fait échouer, en alléguant les droits particuliers des Etats. En 1869, à la demande des Juifs de Mecklenbourg, le même Parlement avait décidé qu’aucun citoyen ne pouvait, en raison de son Credo religieux, encourir une limitation quelconque des droits civils ; Windthorst, bien qu’en principe il approuvât la proposition, avait parlé contre et voté contre, en invoquant le respect où devait être tenue l’autonomie législative de chaque Etat. Voici qu’aujourd’hui, le même Savigny, le même Windthorst, s’associaient avec Mallinckrodt, avec tout le reste du Centre, et qu’ils immolaient aux intérêts de la paix religieuse leurs susceptibilités particularistes ; et c’étaient au contraire les nationaux-libéraux, partisans passionnés d’un Empire très fortement unifié, qui allaient rompre des lances pour les droits particuliers des Etats en ce qui regarde le régime des Eglises. Si vivante et si brûlante était déjà la question religieuse, dans ce Reichstag à peine ouvert, qu’elle amenait les particularistes à jouer un rôle d’unitaires, et qu’elle imposait aux unitaires une attitude de particularistes.

Dès le 1er avril, sous ces masques d’emprunt, qu’ils semblaient avoir échangés entre eux, les deux partis s’apprêtaient à se mesurer. Les divers articles de la Constitution proposée défilaient un à un devant les députés ; mais les esprits s’évadaient vers le prochain champ de bataille. Soudain, la voix d’un Polonais s’éleva, demandant que les provinces polonaises fussent considérées comme étrangères à l’Empire allemand ; et l’on vit le