Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 55.djvu/834

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


VI

L’Empire que Bennigsen avait caractérisé devait être pourvu d’une constitution. Il suffisait d’amalgamer l’ancienne constitution de la Confédération du Nord et les traités signés à Versailles entre la Prusse et les divers Etats ; c’était au Parlement de mettre tous ces textes au net et de ratifier l’ensemble. Fidèles au programme auquel ils devaient leur mandat, les membres du Centre proposèrent quelques additions : ils voulaient, en particulier, que, dans toute l’Allemagne, les Eglises fussent libres, comme elles l’étaient en Prusse depuis 1850, et que cette liberté fût inscrite dans la Constitution de l’Empire.

Ainsi disparaîtraient, dans un certain nombre de petits Etats luthériens, les derniers vestiges des vieilles intolérances. Il n’y avait pas bien longtemps que dans les principautés de Lippe-Detmold et de Waldeck, et dans le grand-duché de Gotha, les catholiques étaient considérés, juridiquement, comme les ouailles de l’Église protestante et ne pouvaient, sans licence du pasteur, faire accomplir certaines cérémonies de leur culte. Le Brunschwick, en 1869 encore, venait de refuser à la communauté catholique la reconnaissance qu’elle réclamait ; le Mecklenbourg, en 1871, refusait à M. l’abbé Belmont, actuellement évêque de Clermont, le droit d’exercer son ministère auprès de nos prisonniers. Une maxime fondamentale, insérée dans la charte organique de l’Empire, et proclamant la pleine liberté religieuse, balaierait les dernières survivances de la pratique fort peu chrétienne qui s’était implantée en Allemagne au lendemain de la Réforme, et qui imposait aux sujets la religion du prince. La devise : cujus regio ejus religio, était un archaïsme, avec lequel le Centre voulait en finir.

Et puis, en même temps qu’il corrigerait ainsi les erreurs du passé, il préviendrait celles de l’avenir. Les nationaux-libéraux un peu partout disposaient des batteries contre l’Eglise : de par un tel article constitutionnel, l’Eglise d’avance serait à l’abri. Les garanties religieuses données par la Constitution prussienne étaient en butte à des partis hostiles, qui visaient à les supprimer ; de par un tel article, dont la portée s’étendrait à tout l’Empire, elles seraient au contraire sanctionnées. Ce serait une entrave immédiate pour les projets des partis antireligieux : le